■ Chapitre 5 ■

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19 Avril 1855

Assise dans le salon, je fixe la pendule de la grande horloge qui bascule doucement de droite à gauche. Le tic tac incessant du déplacement de l'aiguille résonne dans ma tête comme un écho.
Mon corps me semble lointain et mon esprit perdu.
Une voix me parvient du vestibule comme dans un murmure.

"- Elle est ici Messieurs. Mais je vous rappelle qu'elle ne se souvient de rien."

La porte s'ouvre sur ma Tante. Mes tympans sifflent puis les sons se voient amplifiés jusqu'à recouvrir le tic tac de l'horloge. Je reviens à moi.
Depuis l'accident, je ne fais que songer à mon hallucination et au Docteur. Aucun événement n'est crédible... Je n'ai parlé à personne de ma vision et encore moins remis en cause l'accident du fiacre.
Je suis tout simplement folle
C'est la première chose à laquelle j'ai pensé. Mais les fous n'ont ils jamais conscience qu'ils le sont ?
Bien loin de vouloir être internée, j'essaie de ne plus penser à ces événements. Mais à chaque fois que je m'y essaie, la vision ne fait que s'affiner et ma réflexion s'obstine à me donner raison.
J'ai tourné le problème une centaine de fois dans mon esprit et la seule conclusion que j'ai pu y trouver est: Je dois retourner à la cathédrale.
Lorsque j'y pense, la vague d'énergie m'a fait chanceler, j'ai tout aussi bien pu tomber sur la route par inadvertance et la force des choses m'a fait rencontrer un fiacre. Je me souviens néanmoins que Mellicente se trouvait derrière moi à ce moment là... Et soyons clair, il est impossible d'être indemne après s'être fait renversée par un fiacre. N'oublions pas que le choc, d'après les témoins, fut frontale pour moi - autre point donc étrange si mon hypothèse de perte de conscient est véritable j'aurais dû tomber en arrière soit dos à la route - et latérale pour le fiacre. Le conducteur aurait fait dévier ses chevaux lorsqu'il aurait pris conscience de foncer vers le rebord du pont. Mais sa vitesse, bien supérieur à celle autorisé, n'aurait pu stopper le fiacre à temps ou même le détourner assez rapidement. Le coin de la banquette du coché aurait percuté de plein fouet ma tête et la portière, le reste de mon corps. Or, je n'est aucune séquelle ce qui n'empêche pas de faire penser au Docteur Roseaux que le choc sur ma boîte crânienne aurait provoqué une perte de mémoire.

Deux hommes tout de noir vêtus entrent dans la pièce. Ils retirent leur chapeaux pour me saluer. Le premier et le plus grand profite de l'occasion pour recoiffer ses cheveux bruns et ses favoris. Je lui donnerai la trentaine bien que sa barbe rasée de près vieillisse ses traits. Le second plus élancé que le premier arbore un visage plus juvénile. Ses favoris, brossé avec soin ne dénote pas de sa coiffure impeccable mais sans sévérité. Un léger sourire, qui a sûrement pour but de me mettre en confiance, flotte sur ses lèvres. Ses yeux d'un doré pétillant me rappelle étonnement ceux de ma mère et par conséquent les miens. L'homme doit se rendre lui aussi compte de notre similarité puisqu'il préfère la souligner avant de se présenter

"- Je n'ai vu pareil iris depuis des lustres. Que c'est fascinant !"

Sa phrase sonne comme un chant théâtral.

"- Je suis Valentin Selberne enquêteur de la préfecture de police. Et voici Monsieur Antoine Bonneville. se présente t il

- Irène Geoffroy. C'est un plaisir Messieurs, dis je en faisant un signe de tête. Que me vaut cette visite ?"

Les deux enquêteurs prennent place sur le canapé.

"- Suite à votre accident une procédure d'enquête à été ouverte. déclare M. Bonneville d'une voix plus taciturne

- Voyez vous, le conducteur n'était en réalité pas si saoul que nous le pensions

- Il est donc important d'effectuer une enquête plus approfondie, conclu M.Bonneville

CIRCUS: The Madness BeginsWhere stories live. Discover now