B e l t

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Elle ramassa ses pinceaux, ses toiles et ses peintures, qu'elle enfourna rapidement dans son sac en cuir marron. Ce dernier balançait sur sa hanche sur le rythme de ses pas lorsqu'elle croisa à hauteur de son immeuble un attroupement sur le pas de sa porte. Belt se faufila entre les jeunes enfants et leurs parents et y découvrit en son centre un jeune homme assis sur son perron, rue Martre. Sa voix chaude et rauque contait aux plus jeunes la merveilleuse histoire d'un petit garçon qui de rien parcourut les terres, la mer et les montagnes. Orphelin à la naissance et sans le sou, le petit héro découvrit les joies de la vie, accompagné d'amis du monde entier.
Belt fût la seule qui connut le dénouement heureux de l'histoire, terminé trop tard pour de plus jeunes enfants. Le mot "fin" résonna entre les murs de sa conscience.
Assis face à elle, le conteur des rues, releva la tête et l'observa de ses pupilles ambrées et lui demanda presque ce qu'elle faisait encore ici, à l'écouter. Sans un mot il se leva et déguerpit sans demander son reste.
Une fois debout, la jeune fille rajusta la taille de son pantalon deux fois trop grand pour sa petite carrure, refit les ourlets au bas et fila enfin chez elle, quelques tableaux sous les bras.
La voix du jeune conteur résonna toute la nuit aux creux de ses rêves, lui clammant quelques histoires de ce petit garçon si chanceux.
Tous les soirs, sur le pas de sa porte un nuage d'enfant écoutait avec émerveillement ce personnage aux yeux d'ambre. Et tous les soirs, Belt se joignait à eux.

En ce jeudi, à ses heures de crépuscule, le métro parisien était plein à craqué, l'air manquait et la peinture manquait de couler sur la toile tant la chaleur était rude. Seule une pensée réconfortait la jeune fille. Son rendez vous quotidien sur le pas de sa porte. Or dans la rue Martre, aucun conteur ne fit son apparition, en cette soirée étoilée, décevant tant d'enfants. On ne revit plus jamais le jeune homme aux cheveux bruns et aux yeux dorés.

Mais par le hasard de la vie, la jeune fille eu l'occasion de rencontrer, à nouveau, le beau narrateur.
Son bandana dans les cheveux, son pinceau sur l'oreille, Belt arpentait, les pensées au vent, le métropolitain, traînant des pieds comme à son habitude. Un wagon de la ligne 4 accueillit la jeune fille qui s'assit négligemment sur un strapontin, faisant abstraction du bruit autour d'elle. L'ultime signal retentit, elle se leva - accompagnée de la foule, attrapa son sac - comme tant d'autre et se retrouva face à un banc où elle reconnut - comme personne - le conteur, couché sur cette planche de bois. Seul et sans abris.

Et elle comprit.

Elle avait devant elle, le petit garçon sans le sou qui par une erreur ne put voguer à travers mers et montagnes.

A R T I S T EWhere stories live. Discover now