Chapitre 03 - (2/2)

Depuis le début
                                    

— Excepté la peur, je ne vois pas quelle autre émotion peut être « humée », dit-il, surpris.

— Je connais quelqu'un qui les sent toutes.

— Ça me plairait de le rencontrer.

Il est intéressé. Ce serait peut-être le moment de négocier. Il faut que je sorte de cette prison de ténèbres, j'ai le sentiment que c'est lui qui en détient la clé. À tous les coups, j'évolue dans le monde de cette créature proche de moi et pourtant différente. Je n'en sortirai pas simplement en le lui demandant. Pas sans un échange, une transaction.

— Si tu me dis comment sortir d'ici, peut-être que ce sera possible.

— Oh, vraiment, vraiment très intéressant, susurre-t-il, de plus en plus énigmatique.

Mon angoisse grimpe d'un cran. Je suis mal à l'aise de ne pas parvenir à faire confiance à ma propre voix. Peut-être devrais-je commencer par mieux le connaitre.

— Comment t'appelles-tu ? Je suis Alexander Lehmann.

— Ravi de te rencontrer, Alexander. Tu permets que je t'appelle Xander ?

— Il n'y a que ma sœur qui m'appelle ainsi. Mais... tu peux.

— Pourquoi ?

— Pourquoi m'appelle-t-elle ainsi, ou pourquoi je t'en accorde la permission ?

J'ai bien noté qu'il n'a pas répondu à ma première question. Son nom a une importance. Je vais devoir le « gagner ». Il se pourrait que son patronyme soit la clé. Ceci dit, il subsiste l'hypothèse qu'il n'en possède pas, auquel cas je devrais lui en donner un. Mais certainement pas le mien.

— Tu es très retors, constate-t-il.

J'en déduis qu'il capte mes pensées. No panic ! La sensation devrait m'être coutumière, pas vrai ? Puisque que j'ai déjà été victime d'un tour similaire. Mais, sincèrement, ça me fait chier ! Je préférerais garder le monopole de mes pensées, si vous voyez ce que je veux dire ! Le fait qu'il lise en moi déséquilibre le rapport de force.

— Ça tombe bien, je suis aussi tortueux dans mon genre, poursuit-il. Pourquoi penses-tu que le déséquilibre est en ma faveur, Xander ? Et si c'était toi qui refusais d'entendre mes pensées, tout simplement ?

— Pardon ?

— Je ne les cache pas. Tu n'essayes pas d'entendre.

— J'entends ta voix, pourtant.

— Ce que je dis n'est pas forcément le reflet de mes pensées.

— Ça je sais !

— Tu m'étonnes ! Tu as passé ta misérable vie à dire des choses que tu ne pensais pas.

La tournure que prend cette conversation ne me plaît guère. Si on m'avait dit que rencontrer mon dragon équivaudrait à une séance de psychanalyse, j'aurais pris rendez-vous dans un cabinet médical. Je me serais épargné toute la souffrance m'ayant conduit ici !

Il pouffe de rire. Au moins partageons nous cet humour noir. Je ne suis même pas surpris de savoir que je dialogue avec mon dragon. Ça m'est venu avec naturel. C'était d'une logique implacable.

— Tu commences à penser au pluriel, remarque-t-il. C'est bien.

Ses propos sont presque abscons, mais c'est sans doute parce que je les appréhende avec un raisonnement humain. Or je ne le suis pas. Je suis un être hybride. Il est grand temps d'embrasser cette particularité.

— C'est mal si je ne le fais pas ?

— Pas spécialement. Mais la symbiose est quelque peu contrariée quand l'humain s'échine à se distinguer du dragon.

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