Avant de partir

Depuis le début
                                    

« Je ferais ça. »

Amalia vida son Armorik, se leva et embrassa son mari. Il souriait, tout le temps. Elle passa doucement les doigts sur ses tempes où de récents cheveux blancs éclaircissaient son blond d'origine. Humains et sorciers ne vieillissaient pas de la même façon, mais ici, à Aon, les hommes et les femmes s'usaient encore plus vite sur la dureté du climat.

Cédric la retint contre lui et elle soupira d'aise. Elle adorait ses mains, larges, avec des débuts de cales rugueuses sous les pouces, surtout quand elles s'attardaient au creux de ses reins.

Leur étreinte se prolongea et déborda jusqu'à leur chambre.

Wilma, quelques heures plus tard, frappa vivement à la porte de la maison.

Assise dans le lit, Cédric endormi contre elle, Amalia observait le bout incandescent de sa cigarette se consumer. La cigarette d'après l'amour était sa préférée. Elle fronça les sourcils puis écarquilla les yeux. Wilma. Le débat ! Elle était carrément à la bourre.

Elle sauta sur le plancher en jurant le nom de l'Enchanteur et passa la tête par la fenêtre.

« Entre ! Je suis presque prête ! »

Ses épaules dénudées et sa coupe de cheveux plus qu'approximative la trahirent et Wilma s'écria, en fermant la porte derrière elle :

« Vraiment ? C'était vraiment le moment pour ça ?

— J'arrive ! J'arrive ! lui répondit la sorcière en haut de l'escalier.

— On a une heure de retard, Amy ! J'ai cru qu'il t'était arrivé un truc !

— Désolée ! J'arrive ! »

Amalia se préparait en effet aussi vite que possible. Cédric s'était réveillé et redressé sur le coude. Il l'observait, un petit sourire au coin des lèvres.

« Tu voulais que je loupe la réunion ? grogna la sorcière.

— Non, je te voulais. Je voulais t'entendre crier...

— C'est réussi...

— N'est-ce pas ?

— Tss... Arrête de sourire comme ça... souffla Amalia à mi-voix, sensuelle.

— Je vous rappelle que je suis en bas, et que j'attends ! s'exclama Wilma, en bas des marches.

— J'arrive ! »

La jeune femme enfila une culotte à la hâte. Elle avait opté pour une tenue simple et sans magie : un pantalon droit, une veste courte et un joli bustier. Pinceaux et brosses volaient autour de ses yeux et son visage dans une danse parfaitement synchronisée.

Cédric aimait la voir se maquiller, elle le savait et elle en jouait. Il avait longtemps cru que tous les mages avaient cette facilité. Il avait un jour posé la question et, vexée, elle lui avait répliqué que ce n'était pas le cas. Elle était simplement très douée.

Pour sa défense, il ne connaissait pas d'autre sorcière qu'elle. Il n'avait même jamais parlé à ses parents : ils n'étaient pas venus à leur mariage et n'avaient jamais rencontré leur petite fille. Ils l'avaient répudiée à cause de leurs choix de vie, à la grande joie d'Amalia.

« Aide-moi à le fermer », souffla Amalia en joignant les premières agrafes de son bustier, dans le bas de son dos.

Elle pouvait y arriver seule, mais elle aimait sentir les yeux de Cédric sur sa peau quand il la recouvrait peu à peu. L'homme s'exécuta et remonta doucement l'attache jusqu'en haut avant d'embrasser son cou. Elle frissonna.

« Amy !

— Je suis là ! »

Elle se retourna et posa ses lèvres sur le coin de la bouche de Cédric dans un petit baiser précipité, puis le laissa sur place en dégringolant l'escalier.

« Merde, on n'a pas le droit d'être en retard, Amy ! Dalia sera là ! »

Amalia prit deux cigarettes dans la cuisine et les fit disparaître dans ses poches en grognant :

« Elle ne devait pas rencontrer des Yasards de la Congrégation d'Égée ? Qu'est-ce qu'elle fait là ?

— Elle a appris que tu serais présente et veut pouvoir surveiller ce que tu proposes.

— Avoir de tels extrémistes à la tête de votre nation... Elle ne vaut pas mieux que Leuthar, fit sombrement la sorcière.

— Elle n'a jamais tué personne, elle.

— C'est une façon de parler, Will. »

Une centaine de Yasards représentaient les quatre Congrégations. Chacun était tiré au sort au sein de la population. Le nouvel élu, s'il acceptait sa mission, suivait son prédécesseur pendant une période de six mois. Les deux intendants politiques travaillaient ensemble, le temps nécessaire à la passation de pouvoir. L'ancien conservait un droit de veto, pour ne pas laisser sa place à n'importe qui. Amalia estimait que Dalia n'aurait jamais dû accéder à cette fonction.

Elle tendit sa main à son amie et dit, décidée :

« Tant pis, je nous transfère là-bas en autonome. »

La Sorcière d'AonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant