Premier jour de courage

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Un par un, les casques s'engouffraient par la petite ouverture. Ils se retrouvaient alors nez à nez avec le premier article de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et ne frémissaient même pas. Quand ils furent tous entrés, ils posèrent un instant leurs yeux sur les rebelles.

Gaël avait peur. Mais il le cachait, il soutenait leur regard, de même que Lucille, Sally, les parents, les enfants, les voisins. Ils étaient assis et ne se levaient pas.

Les deux partis attendaient un mouvement de l'autre.

-On va vous demander de quitter les lieux.

Personne ne bougea. Lucille ouvrit ses paumes, imitée par quelques personnes. Ils n'avaient pas d'arme. On ne tire pas sur un homme à terre, encore moins quand il est désarmé. Un premier CRS s'avança, il attrapa Lucille par les bras. Un autre saisit un petit garçon qui se mit à hurler en même temps que sa mère. Lucille se débattait. Sally pleurait.

-On a rien fait de mal! Articula Gaël.

Les hommes en armures les poussaient vers la sortie. Les hurlements résonnaient dans l'entrée pleine de l'hôtel. Une matraque s'abattit sur l'épaule de Lucille. La masse se regroupait le plus loin possible de ceux qui étaient au prise avec ces chevaliers venus les déloger. Ils regardaient les autres, impuissants. Lucille gisait inconsciente hors du logement clandestin.

Une armée non-violente contre les matraqueurs. Gaël sentit la moutarde lui monter au nez.

-Arrêtez! Mais bordel arrêtez! On ne vous attaque pas, nous!

Ils n'étaient plus qu'une vingtaine dans la pièce. Une fumée opaque s'éleva tout-à-coup. Gaël avait l'impression d'être en train de se noyer. Il sentait son nez et ses yeux le brûler comme s'il avait inspiré de l'eau. Il toussa, cracha. Repéra Sally, prit sa main. Il regarda le CRS le plus près, d'un regard qu'il voulait noir.

-Regardez. Elle est pareille que moi, que vous. Deux bras, deux jambes, deux yeux, un nez, une bouche.

Il leur désigna chacun des membres de la jeune fille, il posa son doigt sur sa bouche, parut hésiter un instant et colla ses lèvres dessus. Il embrassait la différence, il embrassait la liberté, l'égalité et la fraternité, il embrassait l'amour entre les peuples, il embrassait les résistances. Il embrassait Sally.

 Leurs mains entremêlées, une brune et une blanche, ils se dirigèrent d'eux-mêmes, ignorant les policiers, vers la sortie.

Sel de merKde žijí příběhy. Začni objevovat