Arrivé au troisième, il fit une brève pause afin de reprendre ses esprits, pour finalement dévaler les dernières marches restantes. Hélas, une personne l'en empêcha. En effet, il remarqua un homme, probablement du même âge que lui, étalé sur les marches menant au rez-de-chaussée : il serait impossible de passer sans le déranger alors Abel toussota, tentant d'attirer l'attention du type qui lui barrait le chemin. Aucune réponse... La seule solution qui s'offrait à lui fut de tenter le contact corporel. Sa main se posa sur l'épaule droite de l'inconnu, qui se retourna en sursautant, manquant, au passage, de lâcher le bouquin qu'il tenait entre ses mains.

Ce dernier se décala sur la marche de l'escalier, comprenant rapidement qu'Abel désirait simplement franchir les dernières marches restantes. Pourtant, leurs regards restèrent figés et Abel put contempler les deux pupilles argentées qui s'offraient à lui : il aurait très certainement pu s'y perdre pour le restant de sa vie, ça ne l'aurait pas dérangé le moins du monde. Finalement, Abel conclut par un sourire, en guise de remerciement. Il aurait même voulu tenter un petit clin d'œil mais il ne voulait pas affoler ce bel inconnu de sitôt. Ayant franchi la porte du hall d'entrée, il réalisa qu'il aurait tout de même dû lâcher ce clin d'œil parce que les chances de le revoir étaient minimes voire quasi inexistantes et puis, comme lui disait sa mère : « Qui ne tente rien, n'a rien », une variante un peu moins violente du « Qui ne tente rien, a déjà perdu » qu'on lui avait enseigné en cours.

Sa journée de travail s'était déroulée comme à ses habitudes : il avait aperçu de beaux clients, en avait profité pour repenser au gars de l'escalier, avait renversé trois cafés et avait obtenu deux numéros de téléphone de femmes qui, naïves qu'elles étaient, pensaient avoir la moindre chance avec lui. Finalement, il avait préféré garder son argent et avait reporté sa visite chez le disquaire un peu plus tard dans la semaine, fatigué de sa longue journée et impatient de retrouver son petit cocon. Après être passé chez l'épicier du coin pour remplir ses armoires, il prit la direction de l'immeuble. Arrivé devant la porte, il se prépara à effectuer le chemin inverse de celui de ce matin, comme il le faisait tous les soirs. L'escalier était silencieux, signe qu'il ne serait probablement pas dérangé dans sa montée. Les étages se suivirent et le troisième arriva rapidement. Posé sur l'une des marches, il trouva un livre à la couverture rose pour simple titre la lettre « h ». Pourtant, ce livre lui sembla familier car il avait rarement vu des couvertures roses. Mais bien sûr ! Ce livre appartenait au gars de l'escalier, comme il l'avait désormais baptisé. Ça ne pouvait forcément pas être une coïncidence étant donné que c'était bien trop beau pour être vrai. Curieux, Abel ouvra ledit livre à la recherche du moindre indice qui l'assurerait qu'il s'agissait bien du livre de ce matin. En troisième page, parmi les pages blanches qui précédaient le début de l'histoire, il y trouva une inscription : « Quel regard ! Peut-être que l'avenir nous réunira ou simplement l'envie de se revoir. A bientôt, capman ». (ndla : Littéralement « homme à la casquette » ; allusion aux superhéros tels que Batman ou Spiderman). Était-il nécessaire de rappeler qu'Abel portait en effet, une casquette depuis ce matin ? Ce message lui procura un sentiment de joie, satisfait que le peu de sentiments qu'il avait soit partagé. Il remarqua que le message était signé par un certain Hadrien. Eh bien, Hadrien avait été très joueur et son pari était réussi puisque n'importe qui aurait pu tomber sur le livre.

le garçon qui lisait dans l'escalier // finiWhere stories live. Discover now