Chapitre 3

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Comment se fait-il que j'aie deux mains gauches en sa présence alors que je suis capable de peindre des détails aussi minimalistes que des pommes de pin fondues dans un paysage automnal ? Theodore me bouleverse autant par sa force d'accomplir chaq...

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Comment se fait-il que j'aie deux mains gauches en sa présence alors que je suis capable de peindre des détails aussi minimalistes que des pommes de pin fondues dans un paysage automnal ? Theodore me bouleverse autant par sa force d'accomplir chaque jour l'impossible avec une jambe brinquebalante, que par sa douceur lorsqu'il plaisante avec moi. Il est comme une moelleuse guimauve enrobée d'un chocolat craquant, une sucrerie visuellement attirante et au goût délicieux.

Jusqu'à l'année dernière, je ne le comparais pas à un bonbon chocolaté. Il était juste Theodore, l'étrange new-yorkais qui avait pris les toits de sa ville pour des jardins. Cela faisait quatre ans que nous nous retrouvions chaque année pour la fête des couleurs, nous étions devenus de bons amis avec le temps. J'adorais le retrouver, l'écouter parler de la grosse pomme, de ce que nous pouvions y trouver, des paysages qui étaient complètement différents d'ici. À travers ses récits, j'avais l'impression d'y être. Il y mettant tant de détails que je pouvais me balader mentalement dans une ville que je ne connais qu'à travers la télévision. Pour la première fois de ma vie, mon cœur avait voyagé loin de Meredith. Il s'était échappé l'espace de quelques histoires sans que je ne prenne peur. C'est à cet instant précis que j'ai compris à quel point il était devenu important dans ma vie et que ce n'était peut-être pas qu'une question d'amitié. Quand il était là, je me sentais courageuse.

Aujourd'hui, c'était la première fois que je le revoyais en vrai avec ce sentiment naissant dans ma poitrine. J'imagine donc que c'est légitime d'être tête en l'air et de faire n'importe quoi. Ces nouvelles idées hantent mon cerveau et l'empêchent de fonctionner correctement tandis qu'il est déjà naturellement vagabond. Je ne dois pourtant rien laisser transparaître, je ne suis pas prête à lui avouer que mon cœur s'accélère lorsque je croise ses beaux yeux gris.

La tête haute et un sourire de façade, je le rejoins sous la tonnelle. Il ne remarque pas ma présence et sort de son sac à dos une bouteille d'eau presque vide. Le liquide coule dans sa gorge, faisant monter et descendre sa pomme d'Adam. De profil, il est tout aussi mignon que de face ou de dos. Je me frappe intérieurement de cet absurde pensé digne d'une adolescente en plein fantasme devant le garçon auquel elle est attachée, c'est pathétique.

— Tu veux que j'aille t'acheter un autre truc à grignoter ? l'interrogé-je après m'être éclaircie la voix.

— Non, c'est bon, je mangerai mieux ce soir.

— Tu ne vas pas t'écrouler si tu n'avales rien ?

— Et te laisser la possibilité de me sauver la vie sachant que tu as deux mains droites ? Jamais, je ne suis pas fou, me sourit-il d'un air taquin.

— On dit deux mains gauches, pas droites.

— Je sais, mais je suis gaucher.

Je réalise que je n'avais jamais remarqué cette particularité chez lui. Étant donné qu'il tient sa canne dans la main gauche et qu'il se sert de l'autre pour tout le reste lorsqu'il se déplace, je n'avais pas fait la bonne conclusion. Par ailleurs, maintenant que la lumière a été faite, j'en déduis qu'il a dû travailler d'arrache-pied pour se servir aussi aisément de sa main non-dominante. Ce n'est pas simple de passer d'un côté à un autre et pourtant, il semble le faire avec une telle aisance.

Le vendeur de citrouillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant