Partie 7.

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            Les murs du cachot suintaient d'humidité. La geôle était sombre, seuls de très rares rayons de soleil filtraient parfois au travers du soupirail, éclairant faiblement la pièce. Assise sur le sol, les chevilles et les poignets attachés au mur par de lourdes chaines, Berthe somnolait, dans l'attente de sa sentence. Dans quelques jours, la criminelle sera amenée devant le juge et ensuite condamnée à la peine capitale.

Berthe avait été isolée des autres prisonniers, tellement ses crimes étaient conséquents. Commettre de multiples meurtres, ça n'était pas rien. Lorsqu'elle avait été amenée en prison, une foule hurlante de haine avait suivi le panier à salade. On lui avait jeté des légumes, des pierres. Pourtant elle et tous ces gueux avaient plus de points communs qu'ils ne le pensaient, la survie étant le principal. Les policiers l'avaient trainée rapidement hors du fourgon pour empêcher tous ces crève-la-faim de l'embarquer pour la massacrer. Puis elle avait été jeté dans ce bouge puant qu'était son cachot, avec pour tout repas une miche de pain rassis et un pichet d'eau sale.

Elle avait toujours su qu'un jour elle finirait dans un endroit pareil. Ou au fond d'un fleuve.

Les évènements s'étaient précipités avec une vitesse folle. En quelques jours, elle avait été dans les bras de Batiste puis elle s'était enfuie à nouveau avant d'être arrêtée le jour où elle croyait vraiment à une fuite avec son amant. Batiste... Comment avait-il pu la trahir de cette façon ? Berthe avait cru à ses paroles, à ses caresses, à ses promesses murmurées pendant l'amour. Mais il avait pris son cœur et l'avait piétiné pour une simple prime professionnelle. La prisonnière se sentait à cet instant précis proche de son père. Lui aussi avait cru en l'amour d'une personne qui lui recrachait à la figure les sentiments qu'il lui avait offert. La vie n'était-elle donc qu'une succession inéluctable des mêmes événements ?

La grille grinça, faisant sursauter la jeune femme. Batiste apparu dans la pénombre. Berthe lui tourna le dos et se tassa contre le mur aussi profondément que le lui permettaient ses chaines. Le policier referma la grille, inspira et s'approcha d'elle. Il s'assit à ses côtés, si près que leurs genoux se frôlaient presque.

« Je n'y suis pour rien Berthe. Ils ont dû me suivre pour je ne sais quelle raison mais je n'ai jamais commandité quoi que ce soit en rapport avec ton arrestation. Il faut que tu me croies.

-Et sur quelles preuves dois-je me baser hein ? Tu restes un flic au final, un flic à la poursuite d'une criminelle tellement recherchée qu'il ne pouvait pas ne pas l'arrêter !

-Alors c'est ça, tu avais aussi peu confiance en moi que ça ? Tout ce que je t'ai dit, lorsqu'on faisait l'amour, avant, après, tu n'y as jamais cru ?

-Bien sûr que si, et c'est ça qui me fait peur. De t'avoir cru, de t'avoir fait confiance et que tu m'aies trahi.

-Je n'aurai jamais fait ça Berthe, jamais. Je suis amoureux de toi. »

La jeune femme garda le silence quelques secondes. Elle leva les yeux vers Batiste : son regard semblait sincère. Alors elle le crut.

« Cela n'a plus d'importance maintenant. Je vais être condamnée. Je ne m'en sortirai pas Batiste. J'ai fait commerce de mon corps, j'ai volé et tué des gens, des gens innocents. Je suis une criminelle, ce ne serait pas juste que je m'en tire. Pourquoi moi et pas un autre hein ? Les sentiments qui nous unissent ne sont rien face à la notion de justice. Je dois et je veux assumer mes actes, je ne veux pas fuir sous prétexte qu'une solution m'est offerte. Fuir c'est trop facile, termina amèrement la jeune femme. »

Le souvenir du suicide de sa mère se projeta devant les yeux de Berthe. Elle ne voulait pas finir comme sa génitrice, en lâche qui fuit devant les problèmes qu'elle a elle-même créé. Car c'était ça le souvenir qu'avait Berthe de Madame Bovary, un souvenir sale, taché de manque d'amour maternel, d'absence et de lâcheté.

BertheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant