Feeling

III - Soleil levant, soleil couchant

Je me sentais fatiguée, épuisée même. Mes yeux ne demandaient qu'une chose : se fermer. Je voulais retourner au pays des rêves que j'avais quitté trop tôt ce matin. Ma tête était remplie de formules en tout genre, de définitions absurdes, de schémas qui jamais ne me serviront dans ma vie future. Et pourtant j'étais assise ici, au milieu de toutes ses tables, en train de griffonner des lettres et des chiffres dont on m'avait bourré le cerveau. J'étais là, plus par obligation que par bien-vouloir. Partout autour de moi, j'entendais des stylos glissés sur les feuilles, certains ayant plus de mal que d'autres. Je fixais le sol, ce lino vert infâme qui se faisait piétiner à longueur de journée. J'observais les oiseaux dans le ciel, symboles de liberté. Le Soleil se levait, lentement mais sûrement. Et l'aube pointait le bout de son nez. Un crayon tomba, me sorti de mes pensées. Il me rappela la chute que l'on fait parfois à la fin d'un rêve, et je me demandais : "Suis-je en plein rêve ?". Mais je crois que non. Je n'avais envie de réfléchir à rien, je voulais abandonner, rendre copie blanche, mais je ne pouvais pas : je me devais de penser à mon avenir. Cette route, peut-être déjà toute tracée devant moi, était floue, semée d'embûches, de joie, de peine, je ne savais pas vraiment. Ce dont j'étais certaine, c'était que je voulais la découvrir, y faire des belles rencontres, m'y épanouir, et une fois arrivée au bout, m'endormir sans regret, mes rêves accomplis, un monde laissé derrière moi. Je me questionnais à propos de ma vie dans vingt ans mais je ne savais même pas ce qu'il en serait du lendemain. A toujours tout vouloir préparer à l'avance, j'en oubliais l'essentiel : vivre ma vie. J'ai suivi mon intuition, j'ai parfois - souvent - fait des choses au "feeling", mais je pensais trop au futur et pas assez au présent. "Est-ce que vouloir tout contrôler, vouloir tout savoir est mal ? Suis-je une mauvaise personne ?" : voilà le genre de doutes que j'avais avant. "Les questions existentielles sont-elles et resteront-elles sans réponses ?" : c'est le style de questions que je me pose aujourd'hui. Mais maintenant j'y vois plus clair, le Soleil s'est enfin complètement levé, la nuit, incertaine et obscure, est loin derrière moi. J'ai bien entamé le chemin mais la marche qu'il me reste à parcourir sera, je l'espère, encore longue. Malgré les problèmes que l'on peut rencontrer, si la joie triomphe du malheur, rien n'est insurmontable. Le crépuscule se rapproche, il se veut rassurant mais personne ne sait ce qu'il cache. Il en effraye plus d'un, il peut cependant être source de soulagement, de délivrance après ce périple plus ou moins long, plus ou moins difficile, plus ou moins heureux.