CHAPITRE 9

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EVAN


Les bras tendus comme un épouvantail, j'attends patiemment qu'Ophélie vérifie mes mensurations à l'aide de son mètre ruban. L'odeur de prune qui flotte dans l'atelier me titille les narines et je n'arrive toujours pas à statuer. Est-elle agréable ou entêtante ?

— C'est normal que ça prenne autant de temps ?

— J'ai le goût des choses bien faites !

— Vous n'avez pas la climatisation, ici ?

— Pourquoi ? Tu as chaud ? me demande-t-elle.

— Non, je dis ça pour toi. Tu as les pommettes rouges.

Le lui faire remarquer semble empirer le phénomène. C'est étonnant, quand on sait qu'il s'agit de la journée la plus fraîche de juin. Sûrement qu'à s'agiter dans tous les sens pour respecter ses deadlines, sa température corporelle s'adapte.

Son regard chocolat agrippe le mien un instant.

— Oui, j'ai... un peu chaud.

Ophélie retourne vers sa table. Elle attrape une feuille volante sur laquelle elle griffonne au crayon à papier. Mon regard s'attarde sur ses fesses moulées dans un pantalon en cuir qui souligne la longueur de ses jambes galbées. Son haut en dentelle blanche dénude ses épaules et la coupe crop laisse apparaître le creux de ses reins. L'envie d'y glisser la main me taraude.

Elle pivote brusquement, me prenant de court. Je tourne la tête comme un coupable pris la main dans le sac.

— Attends ! T'étais en train de me mater le cul, là ?

— M-moi ?

— Non, non, pas toi. Margaret Thatcher !

Embarrassé, je me frotte la nuque.

— C'est du second degré.

Ophélie soupire.

— Oui, 176. C'est du second degré.

Mon instinct penchait en cette faveur sans aucune certitude.

— Je ne matais pas. Je regardais ce que tu faisais...

— Comme tu le vois, je notais tes mensurations sur ma feuille.

Le sourire au coin de ses lèvres laisse entendre que la situation l'amuse. Ou bien j'imagine tout ?

— Toutes mes mensurations ? osé-je demander.

Une moue amusée étire ses lèvres.

— Pas celles évoquées l'autre soir, si c'est la question. On peut se concentrer, maintenant ? Nathalie va rentrer d'une minute à l'autre et j'aimerais autant qu'elle me trouve dans le feu de l'action, plutôt qu'en train de papoter.

— B-bien sûr.

Cette fille m'intrigue. M'obsède, serait plus juste. Voilà près d'une semaine que Gavin et moi sommes arrivés à Paris. Il s'agit du troisième jour que je passe à l'atelier en compagnie d'Ophélie. Je m'attendais à trouver le temps long. Étonnamment, cette fille opère un étrange magnétisme sur les aiguilles des horloges. Elles accélèrent la cadence en sa présence.

Entre les shootings photos pour des magazines et les essayages de vêtements pour le défilé Alex Ivero, je n'ai pas eu une minute à moi. Pourtant, j'arrive à trouver le moyen de penser à Ophélie sans arrêt. Je ne sais pas pourquoi, elle s'impose comme un mystère qu'il me faut percer à jour. À la fois sérieuse et déjantée, piquante et sympa, cool et à cheval sur ses principes, elle me distord les méninges. Elle est le oui et le non. Le yin et le yang. Le chaud et le froid.

CE QUI NOUS CONSUME (en librairies)Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon