CHAPITRE 3

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OPHÉLIE


Lorsque je fais trois pas en arrière pour observer mon pantalon en tulle noir pendre sur un cintre, je soupire de soulagement. Je m'étais fixée pour objectif de terminer la pièce demain midi pour coller à mon planning en amont de la Fashion Week. Par chance, je viens de gagner une demi-journée de travail, ce qui me permettra peut-être de l'utiliser à bon escient pour m'occuper de certaines finitions ou reprendre quelques détails sur des pièces avant le défilé.

— C'est bien causette numéro un, tu tiens le bon bout ! me lance Charlène en passant derrière moi.

Son ton ne me dit rien qui vaille.

— Depuis quand tu joues la police d'état, toi ?

— Nathalie a eu un rendez-vous en urgence avec les fournisseurs pour les ensembles en velours sur lesquels toi et Aline devrez travailler la semaine prochaine. Elle m'a demandé de vérifier l'avancement de l'atelier.

Évidemment !

Charlène se penche sur ma pièce pour l'inspecter minutieusement.

— Pas mal. Quelques défauts mais avec l'expérience, ça viendra.

Je serre les poings pour éviter de lui en coller un dans la figure. Madame n'a même pas trente ans qu'elle se prend déjà pour la baronne de la mode.

— Tu veilleras à bien protéger le tissu cette nuit.

— Charlène ! Je suis couturière, pas stagiaire. Je sais ce que j'ai à faire, merci !

La petite brune m'avise d'un regard hautain.

— Quand on t'observe, c'est pas flagrant.

Je me mords la langue jusqu'au sang pour retenir les insultes qu'elle m'inspire. Elle n'attend que ça, me voir péter les plombs. Sa provoc à deux balles n'a aucun autre objectif que de me pousser à la faute pour lui permettre de mieux se plaindre à Nathalie et qui sait, peut-être m'évincer du paysage.

Je ne lui ferai pas ce cadeau.

— D'autres commentaires ?

Charlène arque un sourcil, puis se dirige vers l'équipe suivante, composée de Thomas, Maryse et Doriane.

Quand je suis certaine qu'elle n'entendra pas mes propos, je glisse à Aline et Lisa :

— Elle va se détendre, Cristina Córdula version éco+ ?

Les filles ricanent.

— Cette fille a signé un pacte avec le diable, me glisse Lisa.

— Cette fille est le diable, corrige Aline.

— Il aurait pu choisir un costume plus grand, souligné-je. Il doit être à l'étroit, là-dedans !

Nos regards se croisent et nous éclatons de rire. Charlène choisit ce moment pour se retourner et nous lancer :

— Ça se marre bien, les causettes ! Je penserai à vous quand j'assisterai à plusieurs défilés en compagnie de Nathalie. Je ne suis pas certaine que vous aurez toujours le cœur à rire ce jour-là.

Elle se penche de nouveau sur le travail de Doriane.

— Je vais y aller sinon je la trucide, lâché-je entre mes dents. On se voit demain !

Je place une toile blanche sur mon pantalon, retire ma blouse ébène, récupère mes affaires, embrasse les filles, puis quitte les locaux.

En poussant la lourde porte en bois de l'immeuble, je découvre Jérôme sur le trottoir. Il me sourit en m'apercevant. Deux pas lui suffisent pour me rejoindre. Son bras enlace ma taille, ses lèvres s'écrasent sur ma joue.

CE QUI NOUS CONSUME (en librairies)Where stories live. Discover now