Tu as toujours franchi les interdits

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Tu n'as pas le droit de me laisser.

Hermione était seule, alors que la Grande Salle grouillait de monde. Agenouillé près d'un grand rouquin grièvement blessée, elle murmurait des paroles que personne à part lui ne pouvait entendre.

Tu n'as pas le droit de me laisser, répéta-t-elle. Je sais, tu as toujours franchi les interdits, mais celui-là, tu m'as promis que tu le respecterais. Et si les droits ont peu d'importance pour toi, je sais que tu ne trahirais jamais une promesse. Alors ouvre les yeux.

Il n'ouvrait pas les yeux, sa poitrine se soulevait rarement. Trop rarement. Contre son front était posé celui de son double, qui avait posé sa tête sur ses genoux, incapable de laisser son jumeau si précieux. De nombreuses perles salées parcouraient les cheveux flamboyants de l'inconscient.

Je t'en supplie. Ouvre les yeux.

Personne n'entendait le souffle d'Hermione. Adossés contre le mur, Molly et Arthur regardaient avec inquiétude leur enfant, sachant qu'ils ne pouvaient rien faire d'autres qu'attendre. Son état était instable, la vie de leur fils pouvait flancher d'un instant à l'autre.

Fred. Fred, je t'en prie.

De longues larmes roulèrent sur les joues de la jeune fille. La main de Fred emprisonnée entre les siennes, elle le fixait comme si ça pouvait l'obliger à reprendre conscience. Assis près de ses parents, Ron assistait, désemparé, au désespoir de George et à l'obstination d'Hermione, visible dans son regard.

Tu n'as pas le droit. Tu ne peux pas partir. Tu ne peux pas laisser George. Tu ne peux pas laisser tes parents. Tu ne peux pas laisser ta famille. Et par tous les caleçons de Merlin, tu ne peux pas ME laisser ! Allez, Fred, DEBOUT !

Elle avait l'impression de crier, mais personne n'entendait, parce que ce n'était une faible murmure inaudible. Harry, serrant une Ginny sanglotante contre lui, regardait tristement sa meilleure amie refuser d'accepter l'inacceptable.

Fred, debout, je t'en conjure ! Tu as encore trop de choses à faire, trop de gens à qui faire des farces, trop d'enfants à faire rire, trop de sourires à redonner. Tous ont besoin de toi, Fred. Surtout après aujourd'hui.

Les larmes roulaient, mais aucun sanglot n'éclatait. Hermione était trop en colère contre Fred pour se laisser aller aux larmes. Elle ne pouvait pas, elle ne devait pas. Percy, se sentant coupable, montrait la même ténacité, tenant de l'autre côté la seconde main de Fred.

Les gens auront besoin de rire, et ça, il n'y a que toi et George pour le faire. Vous ne faîtes qu'un Fred, tu n'as pas le droit de le laisser. C'est ton jumeau, ta moitié, ton double. Votre gémellité est si forte, tu ne peux pas accepter qu'on vous sépare.

Le torse du grand rouquin se soulevait irrégulièrement, faiblement, et la peur prit place dans les yeux de la jeune sorcière. Bill et Fleur s'enlaçaient, soutenant l'autre autant que soi-même.

Fred... Ne me laisse pas. J'ai besoin de toi. Si tu oses franchir cette interdit, alors moi aussi, j'en franchirai un, et cette fois, sans aucune peur des conséquences, sans aucun regret. Si tu oses franchir l'interdiction de mourir, alors je la franchirai aussi. Si tu oses trahir la promesse que tu m'as faite, je trahirai celle que je t'ai faite. On vit à deux, ou on meurt à deux.

Son regard se posa sur George, et elle songea qu'il devait penser la même chose qu'elle. Aucun d'eux deux ne se relèveraient si Fred partait. Charlie, tenant la main de Ginny, observait ses cadets, le coeur serré, pensant que même face au pire Magyar à Pointes qui existait, il aurait eu moins peur.

Tu te souviens, durant ma troisième année ? C'était durant la longue dispute avec Ron à propos de la disparition de Croûtard. Alors que j'allais chez Hagrid, tu es passé avec George et Lee, et tu as senti que je n'allais pas bien. Tu les as laissé partir devant, et tu as marché à côté de moi, sans rien dire. Tu ne m'as pas lâché pendant tout le trajet, et juste avant d'arriver à la cabane de Hagrid, j'ai fini par te demander ce que tu faisais. Tu te souviens ce que tu m'as dis ? "Tu fais la même tête qu'un gnome à qui on a piqué son bonnet." J'ai éclaté de rire, et tu as souris, avant de repartir, considérant ta mission accomplie. Et tu as recommencé à trouver une expression pour me faire rire, chaque fois que tu voyais que je n'avais pas le moral. J'ai besoin de toi, Fred. J'ai besoin de toi depuis ce jour-là, et ça n'a fait que grandir avec les années.

Une larme glissa sur la main pâle de Fred, qui esquissa un très, très léger mouvement de l'index.

Tu veilles sur moi depuis tant d'années, qu'est-ce que je ferais sans toi ? Tu y penses, à ça ? Le soir de Noël, lors de ma quatrième année, tu te rappelles ? Même si tu t'amusais beaucoup avec Angelina, tu es venu me consoler après ma dispute avec Ron. Je ne te l'ai jamais dis, mais il n'y a que toi qui a pu me faire rire ce soir-là. Tu as réussi à me faire oublier que ton petit frère avait tout gâché, tu m'as changé les idées comme toujours.

Elle pressa ses doigts, et lancée dans sa déclaration, elle ne sentit pas le frôlement du pouce de Fred.

Je pourrais te citer tant de moments comme ça. Tu effaces tous les mauvais souvenirs en un instant, tu as ce don de m'apaiser même dans les pires situations. Je ne peux pas m'imaginer un monde sans toi, Fred Weasley. Alors, maintenant, tu ouvres les yeux, et pour une fois dans ta vie, tu respectes l'interdit qu'on t'a fixé.

La poitrine se soulevait plus régulièrement, et George releva légèrement la tête en appelant son jumeau tout bas, ayant senti une amélioration. Percy, l'ayant vu faire, était alerte au moindre mouvement, et sursauta en sentant une pression de son petit frère sur sa main. Cette fois, Hermione aussi la sentit, et la peur dans ses yeux fut remplacée par l'espoir.

Quand Fred se réveilla, il ne comprit pas vraiment ce qu'il lui arrivait. Happé par son jumeau qui le serrait jusqu'à l'étouffer, il fut ensuite pris de partout. Mais au milieu de ce fouillis de chevelures rousses, il reconnut sans peine des cheveux bruns et touffus, et au milieu de tous les mots de soulagement et des cris de joie, la seule chose qu'il entendit fut le "je t'aime" prononcé par la fille qu'il aimait depuis tant de temps. C'est pourquoi, au milieu de cette confusion complète, Fred Weasley souriait du sourire le plus béa, le plus stupide et le plus rayonnant de toute sa vie.

Recueil d'OS Harry PotterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant