I : Depuis toujours

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Cinq heures du matin. C'est l'heure à laquelle je sombre.

Je sais pas pourquoi. Je l'ai jamais su.

Le sommeil me prend à ce moment là. Le temps de fermer la porte et je m'écroule sur mon lit ou sur le canapé. C'est selon cequi me reste de forces.

La guitare à la main.

Toujours.

Il n'y a que sous la douche ou aux chiottes que je la lâche, la guitare. Et encore. Des fois, je la pose même pas pour pisser.


Un jour, je me suis réveillé avec des fragments de mélodie qui tournaient dans ma tête. Il y a toujours des bouts de musique qui me trainent dans le ciboulot. Ceux là étaient du genre... pressants.Assis dans mon lit, j'ai commencé à jouer. Jusqu'à ce que les copains du groupe arrivent. Je tenais un vache de bon morceau. Ils m'ont pas écouté. Ils se moquaient de moi. J'ai compris au bout d'un moment qu'ils riaient parce que j'étais à poil.

Mon groupe : The blues knights (Les chevaliers du blues). On est des français mais on s'est dit qu'un nom anglais, ça sonnerait mieux. Pourquoi les chevaliers ? Parce que je m'appelle Tristan. Oui, comme dans Tristan et Iseut. Et que j'ai créé le groupe avec mon bassiste de voisin et ami d'enfance,Perceval. Ouais, Tristan et Perceval dans le même quartier. Ca s'invente pas. On joue le blues. Du plus lent, du plus larmoyant au plus rock, au plus violent. Mais du blues, toujours.

Dans le groupe, il y a aussi Marc, à la batterie et Nico au chant et à la guitare rythmique. Moi, je m'occupe de la guitare solo. Le grand type qui fait le pitre sur scène avec une guitare noire, c'est moi.

Nous sommes des amateurs. Ce qui veut dire que chacun de nous a son boulot. Marc est comptable, Perceval prépare un master d'anglais et Nico travaille dans une librairie. Ce qui veut dire aussi que nous volons des heures sur notre sommeil, nos week-ends et notre famille,pour ceux qui en ont, pour étouffer dans le garage de Perceval et répéter comme des malades. Et courir le cacheton d'un bout à l'autre de la région en attendant la gloire. C'est notre raison de vivre. Ce qui nous fait vibrer dans la vie.

Je suis le seul musicien professionnel du groupe. Enfin, si on peut parler de profession. Je bosse dans un studio dont les principaux clients sont des agences de publicité et de marketing.J'enregistre, pour l'essentiel, des spots publicitaires pour la radio ou des fonds sonores pour des sites, des magasins. C'est pas ce qu'il y a de plus fun mais il faut bien manger, payer les factures et boire des bières.

A force d'envoyer nos démos aux radios du coin, aux maisons de disques, à force de petits concerts et de festivals nous commençons à être connus. Articles dans la presse locale, fans qui achètent nos disques gravés sur l'ordinateur de Nico, page Facebook avec près de 500 abonnés. C'est un début. On y croit, de toutes nos forces.

Pour ce soir, je suis sur la scène de l'lndian Breakfast, un pub de la région. Chemise en coton et jean, trempés de sueur. Je me déchaîne sur ma guitare, les doigts en feu. Je bouge en cadence.

Dans la salle, j'ai repéré un mec qui a l'air de nous écouter avec le plus grand sérieux. Je l'ai déjà croisé celui-la, dans des festivals, ceux où on joue où ceux où on va, en simple spectateur. A force, j'ai fini par savoir qu'il est un découvreur de talents, pour une maison de disque, Blue Moon, je crois. Il s'appelle Jean-Michel Cardan, où un nom comme ça.

Période d'essai (Terminé)Where stories live. Discover now