— Tu m'as manqué... murmure-t-il.

Face à mon silence, il s'écarte, confus. Les épis dans ses mèches blondes donne l'impression qu'il a mis les doigts dans la prise. Ça l'a peut-être calmé. Jérôme se frotte la nuque, à la recherche de ses mots. Je fronce les sourcils en découvrant qu'il garde une main dans son dos.

— Je suis vraiment désolé, articule-t-il. J'ai été lourd, je le sais. Il faut que j'apprenne à contrôler ma jalousie...

— Vraiment, ouais ! Je n'en peux plus de tes crises à deux balles. À chaque fois, c'est la même histoire. Tu merdes, je pardonne, tu reviens. Et bis repetita !

— Je sais... je suis trop con.

— Dis pas ça ! Est-ce que j'ai sous-entendu que tu étais con ?

— Non.

— Est-ce que j'ai l'air d'une nana qui sort avec des cons ?

— Non.

— Voilà ! Alors ne mélange pas tout et concentre-toi sur ta jalousie. Je te jure que je ne supporterai pas ça longtemps.

Il contracte les mâchoires, les yeux rivés au bout de ses chaussures. Mon cœur se presse. Je suis vraiment faible. J'ai promis au moins trois ou quatre fois à Aline et Lisa que je le larguerais s'il recommencait... et dès que ça se produit, je reviens sur ma décision.

— Ça fait combien de temps qu'on est ensemble, Jérôme ?

— Deux ans.

— Tu nous imagines vraiment dans dix ou vingt ans ? Ça va ressembler à quoi notre relation si on s'engueule déjà pour des conneries ?

— Des conneries... oui enfin je...

Il croise mon regard noir et se reprend :

— Des conneries. Tu as raison.

— Claude est mon meilleur ami depuis des années, insisté-je. Tu le savais avant qu'on se mette ensemble. Je ne vois pas ce qui pose problème aujourd'hui.

— Ophélie ! Dès qu'on s'engueule, tu cours chez lui. Tu dors dans son lit, tu lui racontes tout. Mets-toi à ma place ! Tu veux que je réagisse comment ?

Les bras croisés sur la poitrine, je secoue la tête.

— Claude aime les mecs. En quelle langue il faudra te le dire ?

— Ça, c'est ce qu'il prétend.

Dépitée, je refuse de continuer. Je glisse mon pouce sous l'anse de mon sac à main Chloé bleu dur, puis m'élance sur le trottoir. Mes longues jambes me permettent de faire de grandes enjambées. Après avoir complexé au collège et au lycée sur mon mètre soixante-dix sept, j'ai décidé d'en faire une force. Je me balade rarement sans talons, ce qui fait que Jérôme ressemble à un nain de jardin.

Si ça m'amuse quand tout se passe bien entre nous, ça me ravit lorsqu'on s'engueule. Le voir essayer de se justifier en levant la tête me remplit d'une satisfaction que je ne m'explique pas.

— Ophélie, attends ! Je suis désolé, je vais vraiment travailler sur moi. Je te le jure !

Il trottine à mes côtés, mais je ne ralentis pas l'allure. Jérôme finit par me coller un bouquet de pivoines sous le nez. L'odeur des pétales me chatouille les narines et m'apaise.

— Mes fleurs préférées, murmuré-je en les prenant.

C'est ça le problème, avec lui. Il me tape sur le système avec ses réflexions parfois sexistes et ses attitudes machos. Sans parler de sa jalousie maladive. Mais il est aussi le mec le plus attentionné que j'aie rencontré. En même temps, ce n'est pas dur, je les fais fuir. Les seuls qui osent m'approcher s'aiment entre eux ou ont fêté leur cinquantième anniversaire avant ma naissance.

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