CHAPITRE 1

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OPHÉLIE


Bip. Bip. Bip.

Encore deux minutes.

Bip. Bip. Bip.

Roh.

Bip. Bip. B...

Mon réveil se tait en même temps qu'une masse informe m'écrase de tout son poids.

— T'es lourd, Claude !

— Moi je suis lourd ? Ton téléphone a réveillé tout le quartier...

— Non mais je veux dire, t'es vraiment lourd. Tu m'écrases...

— Oh ! désolé ! Je mange bien à la cantine.

Claude roule sur le flanc pour revenir à sa position initiale dans le lit. Il se lève afin d'ouvrir les volets.

— Pour un rayon de soleil, c'était plus cher ? grogné-je.

— Ophélie, ça fait des mois que tu squattes ici à l'improviste. Si l'exposition de ma chambre pouvait changer à tout moment, ça se saurait.

— Ça coûte rien de rêver.

— Pour te répondre : oui, c'était plus cher.

Huit cent cinquante euros pour ce placard exigu dans le dix-huitième arrondissement, ça fait mal où je pense. Heureusement que Claude gagne bien sa vie en tant que développeur de jeux vidéos pour une boîte japonaise dont la réputation n'est plus à prouver.

— Exposition au nord, vieux parquet qui grince, toilettes qu'il faut enjamber pour rejoindre la cabine de douche. Y a pas à dire, la coloc' avec toi, c'est le pied !

Claude caresse son putois sur sa table de chevet.

— Désolé, c'est pas le Ritz, ici ! Je fais de mon mieux.

— Je plaisante, Claude ! T'es un amour de m'héberger tous les quatre matins, quand je débarque sans prévenir.

— D'ailleurs, ça devient de plus en plus fréquent. Non pas que je me plaigne, mais depuis un an, tu es souvent là.

À contre-jour du halo de lumière de la fenêtre, mon meilleur ami ressemble à un ange. Un ange avec des cheveux gras et une dentition mal alignée, mais un ange tout de même. Il pousse le réalisme jusqu'à l'auréole sous un bras.

— À vrai dire, je me suis habituée à tout, commenté-je. Sauf à ton putois !

Claude me sourit. Sa passion dévorante pour la taxidermie me donne froid dans le dos. Je pensais m'y accoutumer. Je n'y arrive pas.

— Laisse Shakira tranquille !

Le surnom qu'il donne à sa bestiole n'arrange pas l'affaire.

Je soupire.

— Désolée de débarquer chez toi dès que ça ne va pas.

— Te mets pas la pression. Ça me rend heureux de te savoir près de moi.

Sa douceur apaise les tensions dans mon corps. Je m'étire pour m'en débarrasser une bonne fois pour toute, puis je me penche vers la table de chevet pour récupérer mon portable.

Dix-sept appels en absence.

Génial !

— Jérôme ?

J'opine du chef.

— Tu ne le rappelles pas ?

— Nan ! Il m'a gavé. Il peut bien attendre quelques heures de plus. Ça lui fera les pieds !

CE QUI NOUS CONSUME (en librairies)Where stories live. Discover now