13. Le relais de chasse 3/4 (réécrit)

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Ils prirent un repas frugal comparé aux dîners précédents, bien que le garde-forestier ait laissé un jambon sur la table. Ils appréciaient de manger en silence, après une autre journée ensemble, sauf Luiset qui était toute excitée. Elle et l'apprenti faisaient des messes-basses. Anna, consciente de leur lien, constatait la proximité que les deux jeunes établissaient. Dès qu'elle fut dans la chambre avec sa nièce, elle ne put s'empêcher de retenir sa langue :

– Mademoiselle Luiset, je dois vous dire quelque chose.

– Quoi donc, Na ? demanda Luiset, qui s'apprêtait à rédiger une lettre pour sa mère.

– Voyez-vous, c'est à propos... comment dire... du sexe fort...

– Des hommes ?!

– Chut, moins fort, ils vont nous entendre. Oui, mademoiselle Luiset, je sais que vous êtes jeune. Les filles de votre âge, à peine sortie de l'enfance, et avec leurs romans d'amour en tête, ne savent parfois pas distinguer clairement leurs sentiments...

Quelques secondes passèrent sans réaction de la part de sa nièce qui ne comprenait pas vraiment où elle voulait en venir. Mais comme sa tante attendait, elle répondit :

– Na, ce roman c'est toi qui me l'a prêté, je ne l'ai même pas vraiment lu, si les idées qui sont dedans...

– Non, mademoiselle Luiset, ce n'est pas ça. Mais j'ai remarqué qu'avec monsieur Jame...

– Garrett ?! coupa Luiset Madison.

– Oui, monsieur Jame...

Anna ne put poursuivre, figée devant sa nièce qui éclata de rire :

– Mais Na, il m'amuse, c'est tout ! Les garçons ne m'intéressent même pas ! Un garçon, beurk ! dit-elle en faisant la moue.

– Dieu soit loué ! Vous êtes sûre ? Ce n'est pas un de vos stratagèmes ?

– Juré, Na.

L'incident que sa tante craignait fut donc vite clos et Luiset put rédiger son courrier pour sa mère. Elle réalisa que malgré le voyage, elle commençait à lui manquer. Les absences de son père, elle y était habituée, mais c'était la première fois qu'elle se séparait de sa mère plus de deux jours. Elle relut une dernière fois son message avant de le mettre dans l'enveloppe et de faire couler la cire noire pour cacheter la lettre. Le cachet était le monogramme des initiales d'Arsène Madison avec la représentation de deux fauvettes posées sous les courbes.

« Ma chère mère,

Pardonnez-moi cette lettre tardive, nous sommes rentrées tard du dîner d'Auguste Grimsey, mais je sais que Na s'est chargée de vous faire parvenir une missive.

Nous avons bien été reçues et j'ai pu voir plusieurs cousins de votre famille. Ensuite, Na a bien voulu me montrer le casino et je dois dire que cette soirée fut réellement charmante.

Le voyage réserve son lot de surprises. Les paysages changent et j'aurai quelques croquis à vous montrer. Nous venons donc d'atteindre la forêt et je trouve qu'ils sont moins attrayants. C'est surtout vous, la spécialiste des arbres d'aquarelles.

J'écris ces lignes du relais de chasse, je vous laisse imaginer la réaction de Na. Elle a sûrement déjà fait la liste des réclamations.

Je ne partagerai pas à nouveau ma hâte d'arriver au Mont.

Qu'avez-vous fait de vos journées ? Je n'ai pas encore reçu de lettre de votre part mais je serai heureuse d'avoir de vos nouvelles.

Nous vous embrassons tendrement,

Votre Luiset »

– Oh, allez, un petit coup de parfum dessus, dit-elle en pressant la poire d'une petite bouteille d'eau de violettes.

Le hululement d'une chouette brisa le silence nocturne.

– Qu'est-ce que c'est ? demanda Anna Grimsey en sursaut, son bonnet de nuit baissé sur ses yeux.

– Un oiseau, Na. Rendors-toi !    

Luiset Madison (Trilogie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant