Bataille de senpai

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Si Oikawa pouvait se féliciter d'une chose, c'était d'avoir mis Hinata de son côté. Celui-ci ne se posait pas de questions particulières, et fournissait toutes les informations nécessaires au bon déroulement des projets de celui qu'il appelait « le Grand Roi ». Ainsi, Oikawa apprit que Tobio était dispensé de club le lundi soir, pour récupérer de son week-end à Tokyo. Ce qui lui laissait le champ libre pour essayer de parler au deuxième passeur.

Il devenait familier avec le trajet jusqu'à Karasuno, à présent, et même le chauffeur de bus sembla le reconnaître. Il arriva pour l'heure de la fermeture du club ; peu désireux de se faire prendre à parti par le chauve et le libéro, Oikawa préféra se tenir à une bonne distance des grilles du lycée et épier les gens qui en sortaient.

Il vit passer le grand blond à lunettes, celui qui avait lancé les rumeurs, se souvint-il ; mais il n'osa pas l'aborder, et de toute façon, le lunetteux paraissait déjà accaparé par une silhouette qui tournait autour de lui en poussant des « Tsukkiiii !» stridents. Oikawa attendit un peu et reconnut finalement « monsieur rafraîchissant » qui sortait du lycée, malheureusement encadré par le capitaine et le champion.

Que faire ? s'interrogea-t-il en se détournant pour ne pas qu'ils le reconnaissent. Le traquer jusqu'à ce qu'il soit seul et ensuite le contraindre à parler ? Ou risquer de se faire recaler par un capitaine possessif et un champion baraqué en l'appelant tout de suite ? Il n'avait pas terminé sa réflexion que quelqu'un lui tapotait l'épaule, et Oikawa se retourna vivement.

-On te dérange ? demanda Sawamura, avec un sourire aimable et menaçant à la fois.

Oikawa croisa le regard du champion Azumane, grand, imposant, effray- non en fait, tremblant, en sueur et qui esquiva son regard. Le passeur paraissait intrigué, et posait une main apaisante sur l'épaule du capitaine, lequel semblait en revanche plutôt énervé.

-Tu espionnes nos entraînements ?

-Non, non pas du tout ! jura Oikawa. Je ne suis pas là pour ça ! Je viens pour parler à...

Il désigna d'une main le passeur, dont le nom lui échappait.

-Suga ?

-Oui, oui ! Suga-chan ! Mon vieil ami !

Sawamura lui lança un regard perplexe. Sugawara fronça les sourcils un instant, puis sourit et déclara tout doucement :

-Pas de problème. On va parler.

-Suga..., commença le champion, visiblement inquiet. Tu es sûr que... ?

Le capitaine était aussi sur la réserve, visiblement ; mais quand le passeur lui fit un signe de tête, il parut rassuré et s'en alla, entraînant Azumane avec lui, sans manquer de lancer un dernier regard inquisiteur à Oikawa. Quand ils eurent disparu, Suga reprit la parole, sans montrer d'impatience.

-Alors, je t'écoute. Que fais-tu ici ?

-Suga-chan –je peux t'appeler Suga-chan, oui ?- tu es le seul à pouvoir me comprendre et m'aider. J'ai cru que d'autres y parviendraient, mais toi seul peut ressentir mon exacte et désolante situation.

Le sourire du passeur aux cheveux gris s'effaça un peu, et il sembla immédiatement empathique à la détresse qu'il entendait.

-C'est Tobio-chan.

Les mots tombèrent, graves, solennels, pleins de suspens, et firent leur effet de chute, du moins l'espérait Oikawa.

-Je le savais déjà, pouffa soudainement Suga. Hinata m'a soufflé quelques mots là-dessus.

-Mouais, tenta de se recomposer Oikawa. Cette rumeur avec Ushiwaka. Est-ce que tu sais quelque chose là-dessus ?

-Pourquoi je te le dirais ?

Le sourire angélique de Suga était devenu un peu mutin. Oikawa commença à sentir qu'il avait peut-être fait erreur sur sa personnalité.

-Eh bien, Tobio-chan est mon cadet, et le tien...

-Kageyama est mon cadet exclusivement, fit remarquer Suga, puisqu'il n'est plus au collège.

-Mais je...

Oikawa s'interrompit et passa plusieurs secondes avec la bouche ouverte sans parvenir à articuler quelque chose. Il croisa les bras et mentit effrontément.

-C'est à moi qu'il vient demander des conseils pour ses passes. Tu n'as qu'à lui demander, il y même un témoin, mon neveu, et une photo-preuve, tu veux la voir ? C'est mon fond d'écran.

-Pas la peine, répondit Sugawara toujours souriant. Mais je me préoccupe du bien de Kageyama, contrairement à toi, donc ma première mesure sera de ne pas te donner d'informations sur lui. Tu n'es pas quelqu'un de recommandable pour lui, je pense.

Le grand roi tomba des nues ; il arbora une expression plus hostile.

-Tobio-chan était mon cadet avant d'être le tien !

-Ah oui, tu as vu dans quel état on l'a recueilli ? rétorqua Suga consterné, comme s'il parlait d'un chaton errant. Rejeté par tout le monde, sans aucune confiance et incapable de communiquer ! Tu te targues d'avoir été son senpai, mais c'est plutôt une honte ! Je ne vais pas te laisser influencer Kageyama maintenant qu'il est heureux avec nous !

Je suis face à une mère poule, réalisa Oikawa. Je n'aurais jamais dû entamer ce débat. Il tenta tout de même, en désespoir de cause :

-Mais son camp d'entraînement des moins de dix-huit ans... C'est un piège ! Tu n'imagines pas les gens qu'il côtoie là-bas –bien pires que moi, je t'assure !

Suga prit une expression méfiante.

-Il ne nous en parle pas beaucoup, mais il a l'air satisfait d'y être.

-Ben ça qu'il est satisfait ! Tu n'imagines pas ce qui se passe là-bas !

-Je ne veux pas savoir. Laisse Kageyama tranquille, tu es juste jaloux qu'il ait été pris et pas toi.

Oh le petit vicieux. Il cachait vraiment bien son jeu, « monsieur rafraîchissant ».

-Moi jaloux ? s'exclama Oikawa en accentuant une expression de surprise. Et toi alors ? Tu n'es pas jaloux qu'il soit sur le terrain et pas toi ?

-Ce n'est pas la question, répliqua Suga d'un ton sec. Si j'apprends que tu essaies d'entraver encore le bonheur de Kageyama, Daichi et moi, on viendra te parler sérieusement.

Avec le capitaine flippant en plus, je ne pourrai pas me défendre, songea Oikawa. La plus sage stratégie était de se replier.

-Tu verras, déclara-t-il en reculant doucement. Il se passe quelque chose, je vais découvrir quoi. Et ensuite, tu ne pourras t'en prendre qu'à toi-même de ne pas avoir réagi, de ne pas m'avoir cru ! Tu comprendras quand Tobio aura subi la mauvaise influence de ce camp et d'Ushiwaka ! Ce qui se passe à Tokyo n'est vraiment pas net !

-C'est toi qui n'est pas net, constata Suga, et il plissa les yeux. N'oublie pas ce que je t'ai dit. Contrairement à certains, le bien de mes cadets m'importe beaucoup.

-Si tu savais, répondit simplement Oikawa.

Ils partirent chacun de leur côté. Cette rencontre avait été une déception. Lui, Oikawa Tooru, un mauvais senpai ? Peut-être au collège, réfléchit-il, mais à présent ce n'était plus tout à fait pareil. C'était vrai, après tout, il avait donné des conseils à Tobio, avait été voir son match, et maintenant lui proposait d'apprendre son service... Quand même !

Personne ne me comprend, se lamentait-il en son for intérieur. C'est précisément à ce moment qu'une sonnerie rompit le silence, l'avertissant d'un message. Quand il lut la phrase que lui avait envoyée Miya, son téléphone glissa de ses mains.

« Je crois qu'ils s'embrassent »

Oikawa Tooru n'est pas un g̵̶̶̵é̵̶̶̵n̵̶̶̵i̵̶e Ushikage shipperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant