Des tourtereaux débiles, mais heureux !

983 94 9
                                    

La princesse huma l'air. Le vent était doux et une atmosphère paisible flottait sur le navire silencieux. Les hommes étaient tous au repos mis à part Fiday qui tenait la barre en l'absence du Capitaine.

Elle descendit dans les quartiers d'équipage et s'arrêta à côté de Connor. Celui-ci ouvrit doucement les yeux et sourit.

« Bonjour, chère Léonore.

- Bonjour Connor. Comment vous sentez-vous ? »

Shun avait l'impression qu'un troupeau de vaches l'avaient piétiné et dansaient maintenant le tango sous son crâne. Il répondit néanmoins:

« Mieux, merci. »

Il y eut un petit silence gênant puis il lui prit les mains, qu'elles lui abandonna sans un mot et reprit :

« J'aimerais vous remercier mais cela me paraît bien dérisoire. Vous m'avez sauvé la vie.

- C'est principalement l'équipage de James qui a agit. » sourit la jeune femme.

En l'entendant appeler le Capitaine par son prénom, Shun fronça les sourcils. Il répondit :

« Oui mais vous l'avez sûrement prié de venir nous chercher, il ne l'aurait pas fait seul.

- C'est vrai. Néanmoins, sans lui, rien n'aurait été possible. »

Le prince, encore trop faible, abandonna. Léonore interrogea :

« Nous avons seulement sauvé huit membres de votre expédition. Combien étiez-vous ?

- Vingt-six. » répondit Shun d'une voix étranglée.

Elle s'agenouilla à son côté et lui tapota maladroitement l'épaule. Il tenta de la prendre dans ses bras mais elle recula précipitamment.

« Je ne peux rien faire pour vous consoler, je suis désolée. Vraiment. » balbutia-t-elle avant de faire volte-face et s'éloigner d'un pas rapide.

Connor laissa retomber ses bras, le regard éteint.

« L'ai-je perdue? » se murmura-t-il.


Léonore pénétra dans la cabine du Capitaine que s'était ré-approprié celui-ci. James Crow ouvrit immédiatement les yeux et porta la main à son sabre posé à ses côtés sur le matelas.

« Ah. C'est vous. » remarqua-t-il simplement en laissant sa tête retomber sur son oreiller.

Elle s'assit à côté de lui et dit doucement :

« Je suis venue vous remercier. »

James grogna :

« Oh, pas de larmes de gratitude et tout le tralala s'il te plaît Léo ! »

La lumière du jour était pure et éblouissante, et tombait sur les draps blancs par le hublot. Le Capitaine propre et torse nu somnolait sur ses oreillers.

La jeune femme esquissa un sourire.

« Est-ce vain de tenter de vous féliciter ?

- Parfaitement !

- Pourtant, vous avez été brave. Je savais qu'au fond, vous êtes un homme bon. Ne vous l'ai-je pas dit ?

- Et moi, ne vous ai-je pas dit juste avant de me laisser tranquille avec vos fichus remerciements ? Vous êtes une vraie tête de mule princesse. » rit Crow en passant ses doigts dans les cheveux de Léonore.

Celle-ci eut un rire lumineux et planta deux doigts joueurs dans les côtes de James.

« Et vous un âne! »

James Crow rit et lui chatouilla à son tour les côtes.

« Mon Dieu ! Je ressemble à un de ces tourtereaux débiles ! » réalisa-t-il.

Léonore, malicieuse, se mit à califourchon sur le Capitaine.

« J'aime bien quand vous ressemblez à un de ces tourtereaux débiles. » lui glissa-t-elle à l'oreille.

Ce dernier esquissa un sourire et roucoula, faisant stupidement glousser la jeune femme.

Elle redevint soudain sérieuse.

« Crow. La culpabilité me ronge.

- Vous ? Mais que vous reprochez-vous ? s'étonna-t-il en haussant les sourcils.

 - Je vous ai obligé à sacrifier des membres de votre équipage et votre second, pour mon fiancé et son expédition. Je n'avais pas le droit de vous imposer cela. Et vous, vous l'avez quand même fait. »

La main calleuse de James caressa la pommette de la jeune femme.

« Vous m'avez convaincu. Le poids des mots est puissant et vous êtes parvenue à m'adoucir un peu, moi, le Capitaine James Crow au cœur de pierre.

- Mais rien ne me permettait de juger que la vie de Shun et ses hommes valait plus que celle de Greed et vos marins. »

James soupira.

« Vous êtes trop dure avec vous-même. Apprenez à accepter et assumer vos gestes, vos actions. Quelles qu'elles soient. »

Léonore ferma très fort les yeux pour retenir ses larmes et les rouvrit.

« Des gens sont morts. Par ma faute. Parce que j'ai été trop stupide et que j'ai cru à ces contes de fées qui disent que les gentils gagnent toujours, que malgré le nombre d'ennemis, les héros survivent.

- Regarde-nous. Nous avons survécu, répondit doucement Crow.

- Nous ne sommes pas des héros.

- C'est vrai. Mais nous avons fait ce que nous estimions être juste. »

Léonore laissa son front reposer contre celui de James.

« Ne vous torturez donc pas, mes hommes savaient très bien qu'ils allaient peut-être mourir. Ils le savent depuis qu'ils se sont engagés dans mon équipage. « Une vie courte et joyeuse. » Cette maxime nous a été apprise par Edward Teach, alias Barbe Noire, et acceptée par tous. »

Léonore, les yeux fermés et ne répondant pas était, aux yeux de James, magnifique. Il goûta prudemment les lèvres de la jeune femme penchée sur lui qui le laissa faire, à sa plus grande joie. Puis, timidement, elle lui rendit son baiser, qui s'intensifia.

James repensa à Léonore durant cette nuit-même, les cheveux en bataille, le visage maculé de terre et l'arme dégainée. Elle était attirante, irrésistible ainsi...

« Vous étiez si belle lorsque vous vous battiez... C'est ici qu'est votre place, j'en suis convaincu. » lui murmura James entre deux baisers.

Il déboutonna posément la chemise de la jeune femme de ses doigts agiles, sans la libérer de l'emprise de ses lèvres, et passant ses deux grandes paumes chaudes dans le col, la fit glisser de ses épaules .

Celle-ci ouvrit brusquement les yeux et murmura :

« Désolée... »

James n'eut pas le temps de demander pourquoi elle s'excusait, Léonore se leva en reboutonnant rapidement sa chemise, le visage écarlate et refusant obstinément de croiser le regard de Crow.

« -Léo ?

- Désolée, James, mais tant que je n'aurai pas tiré certaines choses au clair... »

Elle laissa sa phrase en suspens et sortit.

Les yeux écarquillés et la bouche entre-ouverte, Crow regarda la porte close.

« Wow. C'est la deuxième fois qu'elle me fait le coup. Y'a-t-il quelque chose de plus frustrant en ce monde ? »

Seul le silence lui répondit.

Il se pelotonna de nouveau contre ses oreillers et ferma les yeux en repoussant la déception mordante qu'il ressentait, bien décidé à dormir jusqu'au crépuscule.

Blue WaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant