V- Julian.

17 1 0
                                    

On dit que tout être en ce monde meurt seul.

Julian était mort parmi les siens, parmi ses petits grands frères et ses petites grandes surs.
Mais il était mort seul, car tout le monde vivait tandis que sa vie à lui prenait fin.
Quant à l'instant même de sa mort, il n'y avait que lui qui l'avait vécu.

Son corps inerte gisait sur le sol, les boucles de ses cheveux châtains recouvraient en partie son visage.
Il avait les sourcils pointus, les cils très longs, un petit nez en trompette, les lèvres d'un rose pâle, la mâchoire fine et le teint blafard  -naturellement...-
Eût-il grandi, ç'aurait été un beau jeune homme, sans doute aurait-il attiré bien des regards, et fait chavirer bien des curs au creux de ses yeux verts.
Peut-être aurait-il eu une vie heureuse... Il aurait appris un métier, aurait travaillé chez un bon monsieur, aurait été doué à la tâche et en aurait été récompensé.
Et un jour peut-être aurait-il rencontré une belle jeune fille, un peu maladroite, et rêveuse, en marchant dans la rue, peut-être l'aurait-elle vu elle aussi, et ils se seraient souri, et ils se seraient parlé, et elle aurait su poncer son cur, et il aurait su emballer le sien.
Et peut-être un jour aurait-il eu un chez lui, et des enfants qu'il aurait aimé de tout son être, et peut-être un jour en aurait-il sauvé d'autres des griffes des gargouilles de Londres.
Peut-être..
Sans doute..

Ç'aurait été un brave jeune homme..
Ç'aurait été un brave jeune homme.

                                 *

Un pas, une main, un fantôme... et plus rien.
Elle ne comprit pas au début, d'ailleurs en l'espace d'un instant, personne ne comprit, il aura fallut un moment de réflexion -et de regards vides- pour que l'on réalise ce qui venait de se passer.

27


William venait de mettre la Gargouille au tapis, à la force seule de ses minuscules petits poings.

En temps normal, ni le coup de Will aurait été aussi puissant, ni la joue de La Gargouille aurait fait aussi mal, ni son corps aurait perdu son équilibre; mais mélangez de la colère à la tristesse, ajoutez-y une bonne dose d'adrénaline, et c'est un cocktail molotov que vous avez au creux de la main, et que vos mains soient grandes, petites ou minuscules, au fond, ça ne change pas grand chose..

Elle le fixa avec mépris.

-Vous n'avez pas de cur ! Ou alors c'est votre âme que vous avez vendu au diable, mais je ne veux pas savoir ce que vous êtes. Je ne veux plus rien savoir de vous! A partir d'aujourd'hui nous ne sommes plus sous votre précieuse garde, et personne ne mourra plus sous ce toit ! Personne ! Dit Will.
Vous êtes un monstre !

Silence.

Elle se tut un instant, reprit ses esprits et finit par lui répondre d'un air moqueur:
-Et où comptes-tu aller, vaurien? Tu veux partir, la porte est ouverte.

Elle se tourna vers eux et cria: vous entendez ?! Vous voulez partir, et bien allez-vous en !

Puis se retourna une fois de plus vers Will et dit -avec une voix assez distincte pour que tout le monde entende- :
-Mais s'ils meurent de froid cette fois, ce ne sera pas ma faute mais la tienne.
Es-tu prêt à assumer cette responsabilité et endosser le rôle du monstre que tu m'accuses d'être? En es-tu seulement capable? Es-tu seulement capable de sortir seul d'ici?

28

-Qu'importe où, mais plus ici !
-Et comment te nourrir?
-Je travaillerai !
-Et pour nourrir les plus jeunes?
-Les plus grands travailleront !

Certains dirent "oui !" D'autres le murmurèrent, d'autres encore se turent.
-Et où veux-tu les faire dormir? Sur les trottoirs? Dans les allées? Les bercer de bonnes paroles et les couvrir de neige jusqu'à ce qu'ils s'endorment et ne se réveillent plus?
Cesse de m'importuner vaurien, ravale moi cette fierté, tu n'as pas le droit d'en avoir, et débarrassez moi ce corps du plancher avant qu'il ne pourrisse, jetez le dehors et revenez vous mettre au lit.

L'orphelinWo Geschichten leben. Entdecke jetzt