Bedwyr à la main d'Argent

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Comment le premier roi de Bedwyr gagna-t-il sa main d'argent ? Ce n'est pas difficile. Après la grande victoire contre les fir-bolgs, Bran le Béni que l'on avait couronné Haut Roi sous le nom de « Finnian » réunit les trois chefs de guerre qui avaient luttés à ses côtés lors de la grande guerre contre les peithanis.

L'Aird Righ souhaitait les récompenser et leur offrir le titre de roi. Il proclama l'autorité de Rhuadan, Bedwyr et Dyfed. Mais Bedwyr contesta l'autorité de Dyfed ! Il prétendit que le futur époux d'Evanna était son vassal et qu'il n'avait pas le droit de régner. Une violente querelle éclata et Bedwyr perdit sa main gauche, tranchée par la lame de Dyfed ! Privé de main il ne pouvait prétendre à la dignité royale. (1) Il remit alors la couronne à son cousin et partit sur les routes sur les conseils du Pennderwyd.

Alors qu'il errait dans les montagnes de Volsung, écarté de la royauté de par son infirmité, mais décidé à protéger son royaume malgré tout, il souffrait de ne pouvoir reprendre le pouvoir à son cousin. Ce dernier s'en servait pour son enrichissement personnel et non pour la prospérité de tous. Un jour, le roi manchot entendit des cris et des bruits de combats. Reconnaissant la langue des lochlannachs qui donnait la réplique à des imprécations en combrox, il s'approcha et découvrit un spectacle révoltant. Cinq hommes luttaient contre un enfant qui se débattait et leur donnait visiblement d'importantes difficultés.

Indigné par ce spectacle il s'exclama :
N'avez-vous point de honte ?
Ne connaissez-vous donc pas nos lois ?
Quiconque s'attaque à un enfant
D'homme il ne mérite plus le nom !
Les cinq hommes se retournèrent, surpris, lâchèrent l'enfant et saisirent leurs armes, remplis de crainte par l'autorité royale qui émanait encore de la voix du manchot. Mais à la crainte succéda le mépris et les moqueries. Car, les cinq misérables étaient parents avec son indigne cousin, Liagan. Ils rirent et se moquèrent de l'ancien roi. Que pourrait-il faire, seul et diminué contre plusieurs guerriers ?

La réponse de l'ancien roi ne se fit pas attendre ! Elle prit la forme d'un javelot qui transperça la bouche du premier persifleur ! Le combat qui en suivit fut rude, le roi manchot ne pouvant se servir efficacement de son bouclier. (2) Mais, bien qu'il fut diminué, les quatre malandrins ne pouvaient se mesurer à Bedwyr. Sa lance se planta dans le ventre du premier misérable qui souhaitait venger son compagnon à la bouche percée. Les trois hommes restant l'encerclèrent, toujours persuadés de pouvoir défaire le roi manchot. Las ! Sa grande épée trancha la tête du premier, ouvrit la gorge du deuxième et coupa le bras droit du troisième, qui s'enfuit en hurlant de douleur.

Couvert du sang de ses ennemis et du sien, le roi déchu se tourna alors vers l'enfant. A sa grande surprise, il s'aperçut que malgré sa taille réduite, il affichait le visage et la barbe d'un homme mur. La créature s'était réfugiée sur le seuil d'une caverne et semblait fortement gênée par la clarté du soleil de midi. Le dialogue s'engagea entre le roi et la petite créature.
- Qui es-tu toi le Kornandon (3)?
Dverg, ainsi me nomment les peuple du Nord.
- En vérité tu es tordu (4), mais comment t'appeler ?
Ô roi, je répondrai à Næfr si me demande !
Car pour toi je puis faire les plus beaux bijoux
Car pour toi je puis faire les meilleures armes
Car pour les dieux j'ai fait les plus beaux travaux
- De bijoux et d'armes je n'ai guère besoin
Veux-tu de l'or ? De richesses infinies je dispose !
- D'or et de richesse je n'ai guère besoin
Ô roi, tu m'as fait un don et par un don
          [Je dois répondre]
- Peux-tu me redonner mon royaume ?
Je puis te redonner ta main !

Ainsi pendant trois jours et trois nuits Bedwyr patienta devant l'entrée de la caverne. Lorsque le soleil brillait sur les montagnes, des bruits de forge se faisaient entendre. Mais, lorsque les ombres s'allongeaient et que la nuit s'étendait sur les cimes, il apercevait d'étranges lueurs sortir des profondeurs de la terre. Au soir du troisième jour, Næfr ressortit avec une main en argent et la plaça sur le moignon de Bedwyr. Aussitôt celle-ci se comporta comme une main de chair et répondit à toutes les sollicitations du roi. Celui-ci s'exclama alors :
« En vérité tu es habile kornandon ! ».(4)

L'être faë expliqua alors au roi qu'il n'était pas seul dans les sommets blancs, et que d'autres de son peuple y vivaient, cachés à la vue des hommes. Bedwyr lui jura alors serment d'amitié, toujours son peuple respecterait et protègeraient les Kornandons, car c'est ainsi qu'ils se nommeraient désormais en Ynn Pryddein.

Légendes d'Ynn PryddeinWhere stories live. Discover now