VIII.

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On progressait doucement dans l'obscurité, passant devant bon nombre de portes closes.

« Qu'est-ce qu'il a derrière ces portes ? Demandai-je.

— Des cellules, comme celle où je t'avais cachée.

— Elles sont toutes vides ? Continuai-je, curieuse.

— Non, pas toutes. Certaines sont occupées, mais je ne sais pas lesquelles.

Occupées ? Mais par qui ?

— Qui, ou quoi, je ne sais pas vraiment... Lâcha-t-il. »

J'en avais des frissons dans le dos, qui sait ce qui pouvait se cacher — ou être enfermé, devrai-je dire — dans ces cellules... Cependant, quoi que ce fut, c'était silencieux. Seuls nos pas résonnaient sur le revêtement de sol, brisant le calme nocturne.

Nous avons marché un long moment en silence, il faisait froid, et je frissonnais.
Dans une dizaine de mètres, le couloir se séparait en deux. On s'arrêta au bout, où le chemin se divisait.

« De quel côté ? Demandai-je à Félix, éclairant à gauche, puis à droite.

— Gauche, lâcha-t-il après une courte hésitation. »

J'allais commencer à avancer, quand je sentis quelque chose me tirer les cheveux violemment, par derrière. Je me retournai brusquement.

Rien.
Je balayai l'endroit du faisceau de ma lampe, mais il n'y avait personne. Pourtant je n'avais pas rêvé, je pouvais encore sentir mon cuir chevelu meurtri.

« Que se passe-t-il ? Dit Félix, qui m'avait vu me retourner.

— On m'a... Quelque chose m'a tiré les cheveux, derrière moi... J'ai sentis presque une présence, puis on m'a tiré les cheveux, mais quand je me suis retournée, il n'y avait rien... Soufflai-je, un peu apeurée.

— Ne fais pas attention, personne ne te fera de mal tant que je serais là... Allez, viens, on continue. Tu as froid ?

— Je... Oui, un peu. »

Je ne savais pas quoi dire, j'étais effrayée, je tremblais. Il passa sa veste sous ma cape autour de mes épaules, puis y passa son bras libre. J'étais gênée, mais rassurée. C'était étrange, j'avais l'impression que rien ne pouvait m'arriver. J'étais perdue dans le chaos de mes pensées, quand le voix de Félix me tira de mes rêveries.


« Bon, cet étage, que l'on vient de traverser, n'est composé presque que de cellules, comme tu as pu le voir, et de quelques salles d'examens. Les étages supérieurs sont plus intéressants, on va monter, par là ! Déclara-t-il en éclairant le bout du couloir quelques mètres devant nous. Deux grosses portes semblables à celle d'en bas.

— On monte ? Demandai-je.

— Oui, on monte. »

Ces portes ci n'étaient pas verrouillées, puisque celle du bas étaient sensées l'être.
Avant de franchir la double-porte de l'étage supérieur, il me retint par le bras.

« Mets la capuche sur ta tête, s'il-te-plait.

— Pourquoi ?

On ne sait jamais, dit le jeune homme en mettant la sienne. »

Je m'exécutai.
Il avait tellement l'air d'en savoir plus que ce qu'il ne voulait bien me dire. Il était trop calme et précis pour quelqu'un qui n'était monté là que "quelques fois"... Et puis il ne cessait de répéter "On ne sait jamais". Je commençais à croire que dans ces étages, dans cet endroit, il fallait s'attendre à vraiment tout. Cette histoire surpassait mes pires cauchemars.


Cet étage-ci était moins glauque, le carrelage au sol était régulier, et l'odeur était plutôt celle d'un hôpital. Mais il faisait toujours aussi sombre, et l'atmosphère restait pesante.
Dans une grande salle, sur notre droite, s'alignaient une douzaine de baignoires, en cuivre. Je sursautai quand Félix chuchota à mon oreille.

« Ça, très chère, ce sont les bains d'eau bouillante. "Ça purifie" selon eux... »

Je me retournai, effrayée. Ils avaient tant de matériel de torture dans cet institut de malheur ! Mais ma curiosité me poussait à continuer cette exploration. Revenus dans le couloir, nous avons en suite voulu vérifier ce qui ce se trouvait derrière les portes de gauche.

Je fis un pas en arrière en voyant l'horrible machine à électro-chocs trôner dans le coin de la pièce. Les pièces suivantes étaient les mêmes, avec les mêmes petits boîtiers électriques, les mêmes fauteuils à lanières de cuir épais.

Je retournai dans le couloir, essayant d'oublier les mauvais souvenirs. Félix me rejoignit quelques secondes plus tard.

« Les pièces suivantes sont les mêmes, dit-il en désignant quelques portes sur la gauche. On devrait continuer d'avancer. »

Enroulés dans nos capes, nous glissions furtivement dans la nuit tel des ombres, en silence. J'avais toujours un peu peur, et je marchais très près du jeune homme, de peur de le perdre dans le noir. Les couloirs de Redwall semblaient infinis, l'obscurité s'étendait à perte de vue.

Soudain, je sentis deux mains dans mon dos, me pousser avec force. Je chutai en avant, tombant lourdement sur le sol. Félix se retourna pour voir ce qu'il se passait, il l'avais forcément vu, il avait vu qui m'avait poussé ! Je me relevai.


« Ça va ? Tu ne t'es pas fait mal ? Demanda-t-il.

— Euh ça va, un peu, mais ça va... Mais tu l'as vu ?

— Quoi ? Qui ça ? Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, je pensais que tu avais trébuché sur la cape, répondit-il étonné.

— Mais ! Non ! Quelqu'un m'a poussé, j'ai même senti les mains se poser sur mon dos ! Je les sentais comme je sens ta main sur mon épaule, Félix !

— Pourtant je n'ai rien vu, il n'y avait rien, je l'aurais vu...

— Je n'ai pas rêvé ! Je ne suis pas f...
Je m'arrêtai là.

Si, j'étais folle...

— Allez, viens, lâcha mon guide, coupant cours à ces pensées. Hmm... Je vais te tenir, déjà pour ne pas que tu tombes à nouveau, et puis nous verrons. Moi je n'ai rien senti pour le moment. »


Il repassa son bras autour de mes épaules, et me serra contre lui. Il me tenait chaud, c'était plutôt agréable, comparé au froid qui régnait dans le bâtiment. Il devait faire au moins une tête de plus que moi, et je devais relever la tête pour pouvoir le regarder. Son visage était inexpressif, il ne semblait pas effrayé, il avait même l'air plutôt serein. À quoi pouvait-il penser ? Je le regardais déjà depuis quelques instants, et je pensais qu'il ne me voyait pas.

« Regardes devant toi, tu vas encore tomber. » Lâcha-t-il tout-à-coup. Je détournai le regard, gênée. Je devais être rouge comme un coquelicot, d'ordinaire, je rougissais plutôt facilement.

« J'ai quelque chose sur le visage ?...

— Non, je...

— Ou tu demandais quelles étaient mes pensées, peut-être... Enchaîna-t-il.

— Quoi ? Non ! Je... Désolée, je ne voulais pas te fixer comme ça, je ne le referais plus....

— Laisses tomber, regardes plutôt là-bas ! Dit Félix en éclairant une porte entre-ouverte, juste à notre droite. »


J'avais l'impression qu'il pouvait lire dans mes pensées, d'abord il s'était aperçu que je le regardais sans même poser les yeux sur moi, puis il avait dit précisément ce à quoi je pensais... C'en était perturbant.


Félix passa devant, et ouvrit la porte doucement.

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