I.

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Les médecins disaient que mon état s'améliorait, et mon amie de la chambre 23 était partie, je ne savais pas où. Ça allait bientôt faire deux mois que j'étais ici, j'avais parlé à quelques personnes... comme moi. D'autres "fous" je veux dire. J'ai rencontré un jeune homme d'à peine 30 ans, il m'avait dit qu'il était ici depuis un an, pour schizophrénie et paranoïa, et sa guérison était lente. J'allais aussi discuter de temps en temps avec une vieille femme, qui était ici pour avoir assassiné son mari. Au jugement, elle à été jugée folle, et elle est venue ici. Il faut dire que son mari était violent et la frappait...

Mon médecin, le jeune et beau, venait souvent me voir, et même parfois j'avais le droit à un chocolat chaud quand nous parlions. Ça me rappelais chez moi, le chocolat chaud... Il disait que mes progrès étaient impressionnants. Je me confiais à lui, un peu comme à un ami, il était mon psychologue de toute façon. Il m'avait conseillé de continuer à écrire mon journal, ce que je faisais.

J'avais terriblement envie de sortir d'ici, il faisait beau dehors, et j'avais envie de sentir le soleil d'été sur ma peau... Mais je ne pouvais pas. Je voulais rentrer chez moi, revoir ma mère, mon ancien petit ami, retrouver ma chambre... Mais c'est là que je devais vivre désormais. Personne ne venait me voir, nous n'avions pas le droit aux visites. Je ne pouvais communiquer que par courrier avec mes proches. Quoi que la notion de "proche" n'ai plus vraiment de valeur dès lors que l'on est dans ce genre d'endroit. On cesse presque d'exister.

J'avais vite compris que là-bas, nous ne vivions pas vraiment, nous nous contentions de rester conscients autant que possible, en attendant que la mort vienne nous cueillir. Nous étions laissés de côté par une société qui voulait éliminer ceux sur qui elle n'avait pas le contrôle. Mais j'étais folle, plus personne ne m'écoutait désormais... Les vivants se fichaient de notre devenir, et le personnel soignant ne s'occupait de nous que pour gagner de quoi manger, ils ne nous portaient aucun intérêt. Alors je m'étais fait une raison, je n'existais plus pour les vivants, j'étais un vague souvenir dans l'esprit d'une mère trop souvent absente.

Je m'étais levée assez tôt ce matin-là, et mon petit déjeuner ne m'attirait pas, je n'avais pas vraiment faim. Je commençais à avoir le cafard, seule dans cette chambre. Les seuls personnes qui tenaient un discours cohérent étaient les médecins, quand ils daignaient nous adresser la parole hors visite médicale, et la plupart pensaient que nous étions trop fous et stupides. Mon petit ami me manquait, mais il ne répondait pas à mes lettres, je pensais qu'il ne voulait plus me voir. Pourtant, je l'avais aimé, et il m'avait aimé aussi... Et je l'aimais encore, en vérité.

Il était vraiment très beau, brun avec les yeux bleu ciel, grand, et ses lèvres étaient chaudes, douces et charnues. Il avait de petites mains adorables, dont les caresses étaient très agréables, son odeur était envoûtante et délicieuse, et son étreinte me manquait violemment. Il était tout ce que j'avais. J'aurais aimé qu'il réponde à mes lettres, au moins pour me dire qu'il ne voulait plus de moi. Je pensais que c'était la seule chose qui me manquait vraiment de ma vie d'avant, son amour inconditionnel pour moi. Mais comment avait-t-il pu m'oublier si vite... Pour la première fois depuis mon arrivée ici, je pleurai, je déchargeai ma peine. J'éclatai en sanglots dans mon lit, je ne voulais pas finir ma vie ici, j'étais trop jeune, et je voulais retrouver celui que j'aime...

Plus tard dans la journée, je décidai d'aller en salle de détente avec les autres patients. La vieille télévision en noir et blanc déversait son flot d'informations lumineux et sonore, que certains suivaient avec intérêt. Des personnes jouaient aux cartes, d'autres aux échecs. J'allai m'asseoir à côté du jeune homme avec qui je discute quelques fois. Nous avons parlé pendant plusieurs heures, nous n'avions que ça à faire de toute façon, puis je décidai de retourner dans ma chambre pour me reposer. Les journées là-bas étaient longues et monotones, et je m'ennuyais beaucoup. Heureusement que les livres de la bibliothèque étaient à notre disposition. Je passais la plupart de mon temps à lire.

Soudain, une pensée surgit dans mon esprit. Dans cinq jours, j'allais avoir 21 ans. J'avais un drôle de pré-sentiment à ce sujet, et je n'avais pas envie de passer mon anniversaire ici...

ASYLUM.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant