Chapitre 5 - Partie I

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Au moment où ses lèvres s'apprêtent à toucher les miennes, je me décale et hoche la tête, perplexe.

— Donc, c'est ça le cadeau que tu vas faire à ta copine le soir de son anniversaire ? Embrasser une autre fille alors qu'elle est dans la pièce à côté ? Il faut vite aller lui dire, Eddy. Tout de suite ! Elle sera tellement ravie de l'apprendre !

Je parle fort, assez pour que les participants du jeu s'interrompent et fixent leur attention sur nous. Eddy s'éloigne subitement de moi et me fusille du regard. J'affiche un petit sourire en coin avant de lui glisser à mi-voix :

— Tu sais très bien que tu n'as pas besoin de moi, Eddy. Tu as déjà une Joanna... Aussi belle et aussi froide qu'une poupée de porcelaine !

Il s'apprête à rétorquer crûment quand soudain, un sentiment d'angoisse commence à prendre possession de moi. Des picotements me remontent l'échine et je n'entends bientôt plus qu'un vague brouhaha étouffé autour de moi. Je me retourne vers Eddy qui rit maintenant aux éclats, entourés de plusieurs autres personnes qui semblent aussi se moquer de moi. Les battements de mon cœur résonnent dans ma tête, ma vision se trouble. Le sol tangue sous mes yeux comme si l'immeuble entier se balançait de droite à gauche, au rythme de cette musique infernale. La panique me submerge peu à peu. Je ne connais que trop bien ces symptômes...

Face à un Eddy hilare, je tente de faire quelques pas pour m'enfuir, mais les vertiges qui me saisissent à présent me rendent la tâche presque impossible. Je m'appuie lourdement contre le mur, le sol oscille de plus en plus devant moi et j'ai maintenant l'impression que l'ensemble des invités rient aux éclats en voyant mon état. Mon cœur s'accélère et d'un seul coup, ces voix, harassantes et accablantes, font leur grand retour dans mon esprit confus. Je me bouche une oreille avec la paume de ma main, mais rien n'y fait. Les voix s'intensifient dans ma tête et me répètent inlassablement que tous les invités se moquent de moi, que je suis la dernière des imbéciles, le tout dans un langage des plus fleuris.

J'accélère le pas tout en gardant une main sur le mur pour maintenir mon équilibre déjà bien fragile. Je ferme les yeux de toutes mes forces et avale une nouvelle gorgée de vodka. Les voix s'amplifient un peu plus et se mélangent avec le brouhaha ambiant et le bourdonnement dans mes oreilles. Mon cœur s'emballe, mon souffle est saccadé, je me laisse envahir par la panique. Je tourne en rond, me heurte à un meuble et finis par pousser une porte pour m'engouffrer dans une pièce sombre.

Je referme brusquement le battant derrière moi, persuadée que les autres invités continueront à me persécuter si je ne le fais pas. Au même moment et sans vraiment m'en rendre compte, je lâche mon verre qui explose à mes pieds. Les débris déchirent mon collant et m'entaillent un peu la jambe au passage. Je plaque fermement mes mains sur mes oreilles dans l'espoir de faire taire ces horribles voix, mais rien à faire. Je pleure. J'étouffe. Je cours jusqu'à l'autre bout de la pièce et frappe de toutes mes forces contre la vitre. J'ai besoin d'air, je vais mourir.

— Roxane ? Ça va ?

Je tremble de tous mes membres quand je me retourne vers Jordan qui vient d'entrer dans la pièce. Il scrute un instant le sol souillé de verre et de vodka, inquiet. Je plaque mon dos contre la vitre, mon cœur cogne toujours aussi fort, j'ai mal à la tête. J'agrippe abruptement mes deux mains dans mes cheveux, en même temps que mes jambes cèdent sous mon poids. Je m'effondre, en sueur et Jordan se précipite vers moi. Il appelle mon prénom, je l'entends à peine à travers ces insupportables voix qui hurlent à présent les mêmes insanités. Mes larmes noient mon visage et l'arrière de mon crâne frappe inlassablement la fenêtre derrière moi. Soudain, Jordan s'empare de mes poignets et décolle mes mains de mes oreilles.

Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉEWhere stories live. Discover now