Chapitre 2

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Tom

- Tu veux rire j'espère ? je lance à Sam en regardant dans l'entrée.

- Non. Elle est magnifique, insiste-il.

Je regarde à nouveau cette fille blonde, grandie par ses hauts talons et amincie par sa courte robe noire. Derrière elle, une fille plus petite malgré ses chaussures lui servant de podium s'avance et inspecte la salle durant quelques secondes. Elle fixe un point de la pièce et descend se mêler à la foule, tandis que la blonde monte directement à l'étage. Les motivations de chacun sont parfois si différentes. Je tourne la tête vers la droite à la recherche de Sam. Parti. Une fille s'approche de moi en dansant. Elle est petite de taille et est bien formée. je m'avance vers elle à mon tour, et colle mon bassin contre le siens. Nous voilà dansant dans le noir brisé par des flashs multicolores tous les vingt centièmes de secondes. La jeune fille lève ses bras et me permet de passer mes mains autour de sa taille. Je me laisse emporter par le bruit des basses et le son de la musique de la boite. Soudain elle se stoppe, me forçant à faire de même. Elle se redresse et plonge son regard droit dans le miens. Son visage s'approche du miens, lentement, comme s'il était attiré. Ses lèvres s'écarte très légèrement, elle est hésitante. Je sens maintenant son souffle chaud s'écraser sur mes lèvres, comme quand on s'approche trop près d'une casserole remplie d'eau en ébullition. Je la repousse à l'aide de mon bras droit, ne la laissant pas plaquer ses lèvres pulpeuses sur moi. Elle me regarde avec tellement de dégout et de honte que j'entends ce quelle pense. Ou plutôt devrais-je dire que je le perçois dans ses yeux se remplissant d'eau.

- Casse-toi, je lui lance juste assez fort pour quelle comprenne bien ma courte phrase au milieu de tout ce brin.

Je me dirige vers le bar et par la même occasion vers Sam, que je viens de repérer, à côté des escaliers. Une fois à sa hauteur, je pose ma main sur sa ferme épaule. Il se retourne et surpris de me trouver, moi, tout seul, commence à parler.

- Ca va, mec ? t'es tout seul ?

- Depuis vingt secondes. Tu fais quoi là ?

- J'te présente... Euh ... Bref, on s'en fou ! me répond-t-il en montrant une jeune fille appuyée contre la rampe des escaliers. Sam est le seul gars que je connaisse capable d'oublier le prénom des filles qu'il a en vue.

- Je vais chercher à boire, tu veux un truc ? je continue faisant mine que tout est normal.

Sam m'empêche d'aller où que ce soit en tenant fermement mon avant bras.

- Mec, ...

Son regard est figé. Il fixe le haut des escaliers. Ou plutôt le bout de femme qui est sur le point de descendre. C'est encore cette blonde que Sam a repéré.

- Tu sais, si tu l'aime bien, tu devrais lui demander comment elle s'appelle. Sans faire de rapport avec ta fichue manie d'oublier leurs prénoms.

Je m'en voudrai toute ma vie d'avoir dit ça. Ca s'est passé si vite. En quelques fractions de secondes, elle s'est écroulée et a dévalé pratiquement toutes les marches, terminant sa chute la nuque brisée, le corps inerte, aux pieds de Sam, et par conséquent des miens.

*

- Cours ! elle hurle en se mettant, elle aussi, à courir.

Je saisis le petit couteau que j'avais soigneusement nettoyé la veille, de façon à ce qu'il ne reste plus aucune trace de sang dessus. Diana est déjà une bonne dizaine de mètres devant moi. Elle a toujours couru vite.

- Dépêche-toi bon sang ! crie-t-elle à nouveau, sans pour autant ralentir de manière à ce que je puisse la rattraper.

Je me retourne tous les trois pas pour me rendre compte de l'avance que je prends. Je ne vois rien. Je me contente de faire confiance à Diana et cours, sans comprendre. Ca fait des jours qu'on a entamé ces bois, sachant très bien ce qui s'y cache. Mais ce que nous ignorions, c'est la longueur de cette traversée. Plusieurs jours avec seulement quelques heures de sommeil par nuit et des courses poursuites à ne plus pouvoir les compter. Ces petits êtres ne sont jamais fatigués. On ne les voit pas, on les entend juste approcher. Ils ne laissent que quelques parties de traces. Impossible moyen pour un sourd de les repérer. Quoi qu'ils ont une forte odeur facilement détectable si on a la "chance" de se retrouver à moins d'un mètre de l'un d'entre eux. Un choc brutal me sort de mes pensées peu constructives. Comme si je me prenais un mur, sauf qu'il est invisible. Le temps de tomber au sol et de prendre conscience que ma tête continue de courir alors que mon corps est planté, j'y restais, si Diana n'avait pas réagi immédiatement. Elle fait des mouvements à l'improviste dans les airs, jusque'à ce que sa hache s'arrête. Une large silhouette se dessine petit à petit au dessus de moi, pour ensuite s'écrouler sur mon corps, me coinçant contre la terre encore humide de la pluie d'hier.

*

Mon réveil me tire de mon sommeil. Je pousse ma couverture loin de moi et tombe de mon lit en me débattant. Merde ! Je suis dans mon lit. Enfin sur mon parquet maintenant. En quelques secondes je reviens à moi, et prends conscience de l'endroit où je me trouve. Je me lève doucement et ramasse ma couverture, étalée au sol. Mon réveil continue de sonner. Bientôt la sonnerie s'arrête, et le journal parlé s'enclenche. Je fouille dans ma commode à la recherche d'un pantalon et d'un T-shirt propres.

" Il semblerait que nos enquêteurs soient déjà bien avancés dans les recherches qui tendent à expliquer la raison de la mort de l'adolescente Camille Damson, ce vendredi eux environs de vingt trois heures. "

Je  sors les premiers vêtements que je trouve, tout en écoutant attentivement la voix de ce journaliste.

" D'après les personnes qui l'accompagnaient à cette soirée, la jeune fille aurait pris un cachet, de manière à, je cite ; s'amuser sans se préoccuper de ses problèmes. Le légiste à confirmé ce témoignage, ainsi que la cause de la mort de Camille, à savoir sa chute dans les escaliers. Par contre, une blessure de forme circulaire assez profonde aurait été identifiée, mais les légistes n'ont pas encore su l'expliquer. "

J'enfile mon pantalon en revoyant le visage de cette fille entrant dans la boite. Je la revois en haut de cet escalier, les yeux brillants. Et ensuite, je la revois à mes pieds, les yeux grands ouverts, mais sans lueur. Complètement éteints.

" Selon son entourage, Camille consultait un psychologue depuis un certain temps, elle avait tendance à faire d'étranges "rêves", qu'elle prenait pour la réalité. Ce phénomène pourrait en effet, être la cause de sa chute, et donc de sa mort."

Ces dernières informations retiennent mon attention. Je lève les yeux et me regarde dans le miroir. Je ressens un pincement au niveau de la joue. "Elle avait tendance à faire d'étranges rêves qu'elle prenait pour la réalité". Cette phrase résonne dans ma tête alors que je m'avance vers le petit miroir. J'aperçois une petite égratignure qui s'y dessine. Mon rêve se fraye un chemin dans la réalité. Elle était exactement comme moi. Sauf que moi, je sais ce qui m'arrive.

Sons of DreamsWhere stories live. Discover now