Chapitre 1

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Camille

- Il y avait un arbre à moitié mort. je me rappelle très bien les feuilles tombant une à une, s'écrasant contre le sol, devenant immédiatement poussières.

- Qu'y avait-il d'autre ?

- Un homme. Il était petit. il tenait un violon dans sa main droite, et l'archet dans l'autre. Je me suis avancée, lentement. Les feuilles ont arrêté de tomber, mais ça, je ne l'ai pas remarqué tout de suite. L'homme s'est éloigné. Moi je l'ai suivi jusqu'à arriver au sommet d'une colline. L'herbe était brune. Comme si elle avait été brûlée. Je ne sais pas, quelque chose n'allait pas. C'était peut-être le calme de cette plaine qui me dérangeait. Ou cette petite maison en bois quelques mètres plus loin. J'ai voulu avancer, et là, j'ai ressenti une douleur à la cuisse. J'ai baissé les yeux et je l'ai vue. Cette flèche. Je me suis retournée en tombant. Le petit homme était là, les mains liées. Il ne tenait plus de violon. Il n'y avait que son archet encore visible. celui-ci traversait ses mains. C'est ce long bout de bois qui les gardait collées ensemble. Derrière lui, une femme. Blonde. Non, ses cheveux n'étaient pas blonds. Il étaient blonds vénitien. Pas roux non plus. Vraiment entre les deux. Ils avaient cette couleur rare, qui se mariait parfaitement avec la couleur des feuilles des arbres. C'était l'automne, là-bas. Ensuite ma vue est devenue floue. Je ne voyais plus que la forme de cette silhouette parfaite s'approchant de moi. Ensuite, c'est tout.

- Tu t'es réveillée comme ça ?

- Oui.

- Et dans quel état étais-tu ?

- J'étais perdue. Je suis tombée endormie en cours. A mon réveil il n'y avait plus que le prof et moi. Il m'a dit que mon voisin avait essayé de me réveiller, qu'il m'avait secouée dans tous les sens. J'étais vraiment loin.

- Tu faisais un rêve, c'est tout. tu ne dois pas te tracasser. ce sont des choses qui arrivent à des gens comme toi, qui débordent d'imagination.

- Mais ce rêve, il me paraissait tellement réel. J'avais l'impression d'y être. A mon réveil, j'ai même ressenti une douleur à la cuisse. Comment vous l'expliquez ça ?

- Ton cerveau t'a fait voyager. Tout est lié. Ta douleur, elle est aussi due à ton imagination. L'esprit est capable de nous faire ressentir un grand ombre de choses, tu sais. Il est très fort. Mais ne t'en fais pas, ça va passer. Tu es une adolescente, tu te cherches, tu ne sais pas encore qui tu es. Tout se mélange dans ta tête, c'est parfaitement normal. Fais-moi confiance. Essaye de t'amuser et de ne plus y penser...

Le docteur Simals se lève et pose sa main sur mon épaule. Je me lève et prends mon manteau, avant de tendre ma main pour serrer la sienne.

- On se revoit la semaine prochaine à la même heure, d'accord ?

- Oui. Merci ...

Je saisis la poignée de la porte en vieux bois et sors de la maison de ville. Les rues sont bondées. Je fouille mes poches à la recherche de mon portable que j'avais senti vibrer durant la séance. En effet, le petit écran fissuré affiche deux notifications. Un appel en absence de ma maman. Je regarde l'heure, étonnée. Normal, la séance a duré une demi-heure de plus. Je lui envois simplement un court texto lui disant que j'arrive. L'autre personne ayant essayé de me contacter est Juliette.

" Tu viens au soir ? On peut passer te chercher avec mon frère. "

" Oui. 19 heure ? "

Je remets mon vieux gsm dans ma poche et rejoins la voiture de ma maman, deux rues plus loin. L'hiver arrive et se fait ressentir. Il fait froid et humide. Un froid qui pince la peau malgré les couches de pulls. Je suis contente d'arriver sur le siège passager et d'embrasser ma mère sur le coin de la joue. celle-ci appuie sur l'accélérateur et la petite auto démarre.

- Ce soir c'est chinois ! s'écrie-t-elle pleine d'enthousiasme après quelques secondes de silence seulement.

- Oh, c'est vendredi, je sors avec Juliette. Elle passe me prendre à 19 heures.

- Juste. Elle conduit maintenant ? m'interroge ma mère, pas très d'accord avec ces sorties habituelles.

- On a que 17 ans maman. Elle vient avec son frère. je me contente de dire avant de faire tourner la roulette permettant d'augmenter le volume.

*

Après avoir mis plus d'une demi-heure à choisir une robe, je descends habillée tout en noir et rejoins ma famille dans la cuisine.

- Maëlle où sont mes chaussures ? je crie presque, en regardant l'heure tourner.

- J'en sais rien. Va voir dans ma chambre. elle se contente de lancer, ne détachant pas les yeux de l'écran de la télé.

- Combien de fois je dois te demander d'arrêter de voler mes chaussure putain ! je m'énerve.

- Camille ton vocabulaire ! réagit ma mère.

Je ne remonte pas et enfile rapidement une paire d'escarpins, que je n'aime pas pour ses hauts talons avec lesquels je peine à marcher. Le klaxon de la voiture de Juliette me force à sortir de chez moi en courant. Je me faufile à l'arrière et suis directement interpelée par mon amie.

- Alors, ce psy ?

- Comme tous les autres, c'est mon imagination et l'adolescence !

- Peut-être que c'est vraiment ça.

- Bien sûr que non ! J'ai un problème. Simplement je ne sais pas encore lequel ...

- Qui sait, peut-être que tu te souviens de ton ancienne vie ! rit-elle alors que son frère démarre. Elle en profite pour me tendre la main et me donner un cachet.

- Ce soir, si tu rêves, c'est parce-qu'on se sera défoncé ! elle ajoute en avalant le comprimé, attendant ensuite que je fasse de même.

Quelques minutes plus tard nous entrons dans la boite de nuit, où c'est pas le monde qui manque. A peine deux pas faits qu'elle repère un mec et s'empresse de partir à sa conquête. Je monte à l'étage directement, où je sais que personne ne m'ennuiera. Je m'enferme dans une toilette et prends un deuxième comprimé.

- Pas de rêve ce soir, je souffle pour moi-même.

Quelqu'un frappe violemment contre la porte en hurlant pour que je sorte et cède la place. Je déverrouille la porte et l'ouvre franchement avant de croiser le regard de l'homme impatient. C'est bizarre, une sensation de déjà vu s'empare de mes pensées. je réfléchis tandis qu'il ferme la porte de la cabine. J'ai trouvé. Il ressemble à l'homme de mon rêve. Je choisis de ne pas y penser plus longtemps et rejoins les escaliers donnant sur la salle remplie d'adolescents complètement déchirés dansant tous collés les uns aux autres. Mes jambes tremblent sous l'effet des cachets. Mes talons ne m'aident pas non plus. Sans trop réfléchir je pose une jambe sur la première marche. Les autres deviennent de plus en plus étroites, ma vision de brouille, mes pensées virent vers l'inconscience. Je vole. Je baisse les yeux et vois une jeune fille entamant les marches du bas. Arrivée à ma hauteur je reconnais les traits de son visage. C'est elle. La femme aux cheveux blonds vénitien. Elle me regarde droit dans les yeux et continue de monter. je ne comprends plus rien. Cet homme dans les toilettes et ensuite cette fille. Je me retourne tout en descendant pour la regarder encore. Mon pieds se tord, je hurle. Ma douleur à la cuisse réapparait. Je m'écroule et dévale la deuxième moitié des marches en faisant des cumulais. Je suis encore consciente, jusqu'à ce que ma nuque s'écrase sur la dernière marche, et qu'un bruit d'os broyé retentisse dans la salle. La femme continue de monter pendant que mon corps reste inerte au sol. Je ne ressens plus aucune douleur. Mes yeux deviennent vitreux, et des cris clôturent cette soirée, qui pour moi est la dernière.

Sons of DreamsWhere stories live. Discover now