Paumé

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Pas une participation pour un concours mais comme une suite de "J'étouffe".

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Je suis perdu. Un peu comme depuis qu'on se connait, en fait. Tu m'as toujours fait ressentir des trucs bizarres et inattendus. 
Mais au fond, tu as toujours été là. Pour me guider, me soutenir. Sans toi je suis complètement, définitivement perdu. Que suis-je censé faire ? Ca me tue de te voir dans cet état, heure après heure, jour après jour, toujours immobile. On dirait une poupée de porcelaine. Et pourtant je sais bien que tu souffres, je le sens. Tous les deux, on a jamais vraiment eu besoin de parler pour se comprendre, pas vrai ?

Dès le premier jour où nous nous sommes rencontrés, après que tu aies tenté de m'échapper en t'étouffant avec un noyau d'olive, on s'est tant dis, sans vraiment parler. On a été dès la première seconde sur la même longueur d'onde. Dès que je t'ai vue de dos en train de manger, non d'engloutir cette part de pizza qui faisait trois fois ta taille, j'ai compris que je finirai inéluctablement fou de toi. Ca m'a chamboulé, je me suis demandé si je n'étais pas en train de devenir complètement taré. Mais c'est ton sourire qui m'a le plus troublé.

Quand je me suis décidé à enfin t'embrasser j'étais encore bien paumé. J'avais un peu peur. Est-ce que je devais le faire ? N'étais-tu pas trop bien pour moi ? Est-ce que tu allais être d'accord et y répondre ? Trop de doutes pour ma pauvre tête d'ado, enfin jeune adulte qui ne s'était jamais posé ce genre de questions auparavant. L'ardeur avec laquelle tu as répondu à mon baiser m'a déboussolé encore une fois. Je n'en revenais pas que tu veuilles de moi comme ça, même si j'aurais du m'en douter vu la façon que tu avais de me dévisager. J'étais trop perdu pour penser rationnellement. Et tu ne m'a pas facilité la tâche, à flipper toi aussi.

Quand tu m'as dis que tu étais prête à passer à l'étape suivante j'ai paniqué, si tu savais comme j'ai paniqué. T'étais pas vraiment la première mais j'avais bien plus peur que pour toute les autres. Tu vois, tu me désorientes complètement depuis toujours.

Clairement, c'était la première fois que j'avais été amoureux. Jamais, jamais je n'avais ressenti ça pour personne. Tu te souviens, je t'ai menti en te disant que, nan, je n'avais pas eu beaucoup de relations avant et que c'était pour ça que tout me paraissait si nouveau; pour justifier ma panique montante. Tu m'as vite démasqué, je n'ai jamais rien pu te cacher, tu me connais mieux que n'importe qui, que moi-même si on croit toute les décisions que tu prenais à ma place.
 Je râlais mais tu savais bien qu'au fond j'aimais cette part de toi. Comme toutes les autres - sauf peut-être celle qui te faisais vider mon compte en banque après une folie dépensière.

Et puis je t'ai acheté cette bague. En or rose, parce que tu aimes bien les trucs un peu vieillots - vintage, excuse-moi. Je n'avais pas spécialement de gros moyens donc elle n'était pas très chère, mais de toute façon je savais que c'est celle-là qui t'irait le mieux. Cette bague, c'était ton reflet.

J'ai mis du temps à me décider à te la donner, trop de temps. Parce qu'encore une fois, j'étais paumé. Je t'aimais, je t'aime toujours et je ne cesserai jamais de t'aimer, aucun doute là dessus. Mais comme toujours, mon esprit avait décidé de se remplir de mille et une questions. N'était-ce pas trop tôt ? Est-ce que tu flipperais ? Est-ce que c'était une bonne idée ? - oui. Est-ce que, est-ce que. J'aurais jamais du laisser trainer ça.



Entre temps tu es tombée enceinte et je crois que c'est bien la première fois que je n'ai pas douté une seule seconde. J'ai probablement tourné de l'oeil parce que c'était plus qu'inattendu, mais je savais parfaitement que c'était ce que je voulais. Plus tôt que prévu, mais ce n'était pas une mauvaise chose. J'aurais tout, tout fait pour que tout fonctionne parfaitement. Sauf que le destin en a voulu autrement et que ça n'a pas du tout fonctionné.

J'imagine que tu savais que même si j'essayais de rester fort devant toi, j'étais complètement dévasté. Je n'ose même pas imaginer quel effet ça a pu te faire, à toi. Moi aussi je pleurais, la différence c'est que je me cachais pour le faire. Mon patron a du se demander ce qui m'arrivait puisque j'arrivais toujours avec les yeux exposés. J'ai versé tellement de larmes à ce moment là...

C'est là que j'aurais du te la donner, cette foutue bague. Sauf que le moment ne me paraissait pas approprié. J'avais jamais été aussi paumé, jusqu'à aujourd'hui. Comme un con, j'ai encore laissé trainer. Si tu savais comme je le regrette.

Parce que quand j'ai hurlé plus fort que je ne m'en serais jamais cru capable, j'ai compris que c'était trop tard. C'était tellement violent, tu as volé tellement haut qu'il n'y avait aucune chance, aucune chance que ça finisse bien pour nous. J'avoue, j'ai eu une lueur d'espoir l'espace d'un instant. Mais il y avait trop de sang, ton corps faisait un angle trop bizarre, couché sur l'asphalte, immobile.
 Cette fois, je n'ai pas réussi à pleurer. Pas tout de suite. Trop surprenant, trop brusque. J'en ai eu le souffle coupé et je crois que mon esprit a été projeté sur une autre planète. J'ai plus rien compris. C'était impossible, inimaginable et pourtant c'était arrivé. Même si j'ai compris dès la première seconde, j'ai mis du temps avant de réaliser que ça s'arrêterait là. D'ailleurs, ça ne s'est pas arrêté à ce moment. Je me suis acharné, comme un fou.

Qu'est-ce que j'étais censé faire ? Tout va bien dans votre vie, tout est parfait, quand un beau jour un connard conduit trop vite et vous enlève ce que vous avez de plus cher. T'étais la femme de ma vie mais la tienne touche à sa fin.


Ca ne sert à rien de s'acharner plus, pas vrai ? Tout ce que ça peut faire, c'est nous faire souffrir tous les deux. Je ne veux plus que tu souffres. Moi, je n'ai pas le choix. Mais toi...


C'est dur tu sais, mais je n'ai pas envie d'être égoïste. 
Tu seras la meilleure chose qui ne me soit jamais arrivée mais aussi mon plus grand regret. Ne vas pas t'imaginer que j'irais jusqu'à souhaiter ne jamais t'avoir rencontrée, certainement pas.


Certainement pas.


Mais quand je te vois, allongée, livide presque transparente et pourtant avec un air si paisible, dans cette chambre sombre, je suis littéralement brisé. Et perdu, comme toujours. J'étais perdu avec toi, je le suis encore plus sans.

Qu'est-ce que je suis censé faire si tu n'es pas là ?

J'aurais du te la donner cette bague, que tu saches... Que tu saches qu'il n'y a rien au monde que j'aurais plus voulu que faire de toi ma femme. Je t'aime tellement que je n'arrive pas encore à réaliser que ressentir de telles choses pour quelqu'un est possible.

- Hm. C'est le moment...

Je hoche la tête. Si tu savais comme je flippe. Je ne peux pas me dire qu'après, ce sera fini. J'aimerais te dire que je vais rester jusqu'à la fin mais je ne suis pas sûr d'en être capable. Tu as toujours pensé que j'étais fort, plus que toi, mais tu te trompais lourdement.

Bip

C'était toi mon pilier

Bip

Qui me guidait et me donnais la force de continuer jour après jour

Bip

Que j'ai aimé plus que tout au monde

Bip

T'ain voilà que je recommence à chialer comme un gosse.

...

T'es là ?

...

Putain. Ch'us paumé.

Recueil d'OSWhere stories live. Discover now