La Ligne Sacrée | YoonSeok

IV.

Sans doute était-il trop perdu

Dans son passé

Pour le

Distinguer

Clairement.

HoSeok attend dans le couloir, assis sur une chaise inconfortable. Il triture du bout des doigts un fil qui dépasse et relève la tête chaque fois que quelqu'un passe devant lui. Mais ce n'est jamais YoonGi, alors il la rebaisse. Jusqu'à ce qu'une voix grave et rauque ne le sorte de sa torpeur depuis l'autre bout du couloir. Il se lève tout entier pour voir le devin arriver, la chemise un peu trop ouverte et les mains mouillées. HoSeok attend que YoonGi s'approche, et quand il est juste en face de lui, il courbe légèrement la nuque.

YoonGi le regarde dans les yeux, un peu, pas trop longtemps, et parle plus bas.
« - Excuse-moi de t'avoir fait attendre, mais j'étais en pleine séance de visions, et ça m'a pris plus de temps que ce que je pensais.
- Je ne suis pas pressé, ne t'inquiète pas. »

Le devin ne répond pas, puis lui sourit de son visage aux traits tirés. Et HoSeok, sans trop savoir pourquoi mais surtout parce qu'il en a envie, pose sa main chaude sur la joue de YoonGi, qui ferme les yeux et détend les muscles de ses épaules. Il laisse retomber ses mains le long de son corps et elles heurtent doucement ses hanches, avant qu'il ne s'affaisse complètement contre HoSeok.

Il s'est endormi debout, et celui qui est réveillé le porte jusqu'à ce qu'il trouve NamJoon, et que le grand brun lui indique une salle au fond. Quand il y parvient, il dépose YoonGi sur le matelas et s'assied sur la chaise à côté, légèrement désœuvré. Il est venu pour le voir, mais si l'autre n'est pas en état, il ne sait pas trop ce qu'il fait encore là.
Néanmoins, il ne veut pas partir et rentrer chez lui, pour dormir et se faire mal sans qu'il ne le sache. Alors, il reste au commissariat ; ses doigts caressant parfois la peau pâle du bel endormi.

Puis, pendant que l'heure tourne et que HoSeok pense, NamJoon entre dans la pièce silencieuse et attrape une chaise. Il s'assied, tend un sandwich à HoSeok et commence à manger. Le brun plus petit l'imite, les bruits de mastication résonnent faiblement dans le silence.

Quand il a fini de dévorer son sandwich, NamJoon froisse l'emballage.
« - Tu peux rentrer chez toi, tu sais ? »
HoSeok le regarde tourner la tête pour le fixer. Son genou tressaute un instant, spasmodique, et il pose sa main dessus.
« - Je préfère rester. »

NamJoon hoche la tête et n'ajoute rien en regardant YoonGi. Il ne parle toujours pas quand il voit HoSeok glisser sa main dans ses cheveux aplatis par l'oreiller et masser sa nuque lentement. Puis, il se lève et sort de la salle. Le grincement de la porte qui se ferme retentit longtemps, s'entremêlant aux respirations des deux hommes.
Les lumières s'éteignent, les gens partent, NamJoon revient puis s'en va, HoSeok reste.

Et YoonGi dort.

Quand seul l'éclat des étoiles illumine la pièce, HoSeok s'allonge sur le lit à côté de YoonGi. Il ne le serre pas dans ses bras, il n'embrasse pas son cou ou sa bouche, mais il s'endort, avec l'espoir de ne pas lui faire de mal.

Mais ce n'est qu'une vaine attente face aux délires de son cerveau abimé.

Et il est réveillé alors que la nuit est encore noire. Les plaintes de YoonGi résonnent à l'autre bout, dans un coin de la pièce. Pâle et tremblant, il est recroquevillé contre un mur, à moitié caché par le lit et il le regarde avec des yeux humides. La Lune l'éclaire un peu, visage blanc qui tressaute dans le noir.

Lorsque HoSeok descend son regard sur ses poignets rouges, il voit les draps tâchés de sang. Les murs sont recouverts de mots sans lien logique qui s'entrechoquent sur le papier peint, formant des grandes arabesques disgracieuses. C'est en voyant qu'il est debout, les jambes flageolantes et un doigt encore en l'air que HoSeok comprend qu'il écrivait avec son sang.

Sa main retombe, il hoquète, et ses yeux grands ouverts se tournent vers le petit corps chétif du devin. HoSeok s'approche doucement, essuyant ses bras sur ses vêtements puis s'abaisse pour être à la hauteur de YoonGi qui enfouit son visage dans ses bras.
HoSeok glisse sa main dans les cheveux clairs, et tant pis s'ils deviennent pourpres.
« - Je suis désolé, YoonGi, j'aurais du rentrer chez moi, tu n'aurais pas du voir ça, pardonne moi, je suis désolé, pardon, est-ce que je t'ai blessé, relève la tête, s'il te plait, je suis réveillé, je ne te ferais plus de mal, ce n'était pas moi, YoonGi, je t'en supplie...
- Ça va. Tu as essayé de me frapper, mais je suis parti, et tu as commencé à te faire du mal. Tu t'arrachais la peau, oh, mon dieu, c'était horrible, et tu criais, tu criais si fort, et tu saignais, partout, et tu écrivais en pleurant, et tu criais toujours plus fort.
- Je suis désolé, pardon, pardon, pardon, pardon. »

Pendant que HoSeok s'excuse, YoonGi a ouvert ses bras et s'est accroché à l'autre. Il sanglote encore, longtemps sans doute, mais ils ne bougent plus que pour toucher l'autre encore plus. Le corps de YoonGi finit par arrêter ses spasmes irréguliers et les larmes sèchent sur ses joues.

Et quand il se relève, ce n'est plus de la peur qui lui dans ses yeux, mais une volonté infaillible.
« - Tu as besoin d'aide. On ne peut pas te laisser comme ça. Je ne peux pas laisser tes secrets rester enfouis.
- Comment ?
- On va rentrer à Séoul.
- Je ne peux pas, YoonGi, j'ai recommencé une vie, ici. Je ne veux pas revenir à la capitale.
- Je ne peux rien faire à Mokpo. Toute mon équipe est à Séoul. HoSeok, tu es un danger pour toi-même et pour les autres si tu ne fais rien. Tu veux passer toute ta vie à écrire et te blesser quand tu dors ?
- Non...
- Alors, tu vas rentrer avec moi à Séoul. Une fois que l'enquête sera terminée, tu pourras revenir à Mokpo.
- J'ai peur, YoonGi.
- Je suis là, HoSeok. Je ne te laisserais pas. »

Il raffermit sa prise sur ses épaules et enfouit son visage inondé dans la chemise sale de YoonGi. Il sent les doigts du devin toucher doucement sa nuque, le début de son dos et ses joues.

Puis, HoSeok s'évanouit ; corps mou contre un homme qui veut être fort pour deux.