Maudite, Reine de la rose noire. [Tome 1]

Chapitre 39

— Qu'est-ce qu'il te prend Jack ? Pourquoi tu réagis comme ça ? Je pensais que tu étais de mon côté, que tu me soutenais. Visiblement non... Je n'ai pas besoin de quelqu'un qui me descende plus bas que terre, crois-moi, je le fais déjà très bien toute seule.

Jack tapa du poing dans le sable. Pour lui la vie de Nela comptait plus que celle de n'importe qui, pourquoi ne comprenait-elle pas ça ? Elle ne pouvait pas lui reprocher de vouloir la sauver, en quoi la vie de quelqu'un d'autre vaudrait plus que la sienne ? Aveuglé par l'amour, Jack ne se rendait pas compte de l'atrocité de ses paroles. Jurant, il s'envola, partant calmer ses nerfs ailleurs laissant Nela désemparée par ce comportement. Elle s'effondra dans les bras de son amie... Apparemment, il ne lui restait qu'elle. Comment la jeune fille allait-elle s'en sortir ? La situation devenait ingérable, elle ne voulait plus qu'une chose : en finir. Les jours passaient trop lentement, chaque minute de plus à attendre devenait une véritable torture, elle ne tiendrait plus longtemps dans de telles conditions.

— De quoi parliez-vous ? Quelle est cette échappatoire dont vous parliez ? demanda Fleure.

— Je... Je suis celle que la rose noire a choisie. Quelqu'un a été choisi par la rose blanche également, il faudrait que je trouve cette personne et que...

— Et que quoi ?

— Que je la tue.

Fleure se raidit en prenant conscience de cette fatalité. Elle déglutit, cette histoire prenait une méchante tournure de film d'horreur. Elle n'aimait pas du tout ça.

— Il n'y a pas un autre moyen ? Tu es sûre de toi ?

— Malheureusement, oui... Au contraire de la rose noire, la rose blanche ne disparaît pas une fois qu'elle a trouvé son élu, elle reste toujours auprès de celui qu'elle a choisi. C'est une force précieuse, elle donne les pouvoirs nécessaires à la personne qu'elle juge assez qualifiée pour arrêter le maître de la rose noire. En fait, une fois que la rose noire aura pris le contrôle sur moi, elle sera la seule à pouvoir me détruire.

— Je ne me rappelais pas de cette partie de la légende...

Le teint blafard, Fleure acquiesça, réfléchissant à tout cela. Emportée dans cette histoire, elle comptait bien épauler son amie jusqu'au bout et pour cela, il fallait qu'elle fût informée.

Leur petite réunion alors terminée, les deux filles repartirent à leurs occupations, Fleure à la bibliothèque, et Nela dans sa chambre. Comme toutes les nuits, elle laissa sa fenêtre ouverte, attendant la venue de Jack pour ses entraînements... Mais il ne vint pas cette nuit-là. Blessée, Nela finit par s'endormir.

Après tout, c'était peut-être mieux ainsi... Elle avait besoin de se reposer.

***

Deux jours passèrent sans la moindre parole échangée entre Jack et Nela. De toute évidence, il l'évitait... Mais pourquoi ? Il ne posait même pas ses yeux sur elle lorsqu'il la croisait. Il avait l'air en colère... Peut-être lui en voulait-il de ne pas tout faire pour sauver sa vie ? Quant à Fleure, effrayée par l'unique échappatoire que lui avait révélée Nela, elle restait à son tour plus en retrait. Le sujet de la malédiction était devenu tabou, Il était hors de question pour Fleure de parler encore une fois de l'élimination d'un être humain pour s'en sortir ! C'était surréaliste, complètement fou et dangereux, elle ne voulait pas se risquer à une telle aventure. Du moins, c'était ce qu'elle avait confié à Nela avant de clôturer le sujet. Si seulement Joey était là, lui au moins saurait quoi faire, et il ne prendrait pas la fuite pour un simple désaccord !

— Mademoiselle Rocchio-Darwin, pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter ce que je viens de dire, fit monsieur Bapts, interrompant le cours de ses réflexions.

— Comment ? Je.. En... non... désolée monsieur, j'ai la tête ailleurs pour être franche.

— Vos poches sous les yeux vont finir par tomber par terre tant elles sont lourdes. Allez donc à l'infirmerie, reposez-vous, vous êtes excusée pour aujourd'hui.

Enfin une bonne nouvelle ! Sans contredire son professeur, Nela partit à l'infirmerie où elle patienta une dizaine de minutes avant que le docteur Ramon ne la prît en charge.

— Une petite tension, mais pas de fièvre. Tu dors bien ?

— Pas vraiment, je ne ferme pas beaucoup l'œil de la nuit il faut dire, deux à trois heures tout au plus.

— Ce n'est pas suffisant Nela, il va finir pas t'arriver quelque chose de plus grave si tu ne dors pas plus. Va donc te reposer, je vais prévenir Juliana, et je te ferai savoir quand tu pourras sortir.

La remerciant Nela se dirigea dans la salle de repos où une faible voix l'interpella.

— Nela ? C'est toi ?

Ouvrant le rideau d'où provenait la petite voix, la jeune fille découvrit Johanna, confortablement installée dans un lit, la peau blanche et les yeux fatigués ; elle n'avait pas l'air en grande forme.

— On t'a cherchée partout ce matin ! s'exclama Nela sur un ton de reproche.

— Je suis désolée, j'ai encore fait un malaise en descendant les escaliers.

Nela vint s'allonger contre son amie, l'enlaçant. Elles se prirent la main, se fixant toutes les deux, chacune percevant la pointe de tristesse habitant leur iris depuis quelque temps... Puis, comme pour détendre l'ambiance, Johanna déclara en riant :

— On se retrouve un peu trop souvent ici toutes les deux.

— Bien de trop, oui... C'est encore à cause de ton pouvoir, c'est ça ?

La petite brune lui lâcha un petit sourire nerveux.

— Tu sais garder les secrets ?

— Évidemment, dis-moi.

— Ce fichu pouvoir va finir par me tuer !

Nela ne sut pas vraiment s'il s'agissait d'une de ces plaisanteries de mauvais goût coutumières à sa camarade d'une vérité camouflée par une boutade, mais elle comprit surtout que son amie était dans un état très critique. Nela se contenta de lui répondre par un sourire attendri.

Après avoir longuement discuté, les deux filles s'endormirent, épuisées.

Vers dix-huit heures, le docteur Ramon réveilla Nela, lui demandant de regagner sa chambre. Serrant une dernière fois la main de Johanna contre elle, elle laissa son amie endormie, seule.

Une fois dans le hall, elle chercha Jack, mais il resta introuvable, tout comme ses amis, Diego, Matéo, Alice. Personne ne semblait être dans les parages. Il n'y avait qu'Héléna et sa méchanceté qui erraient dans les couloirs, humiliant les élèves qu'elle croisait comme à son habitude. Nela prit soin de l'éviter, elle n'avait aucune envie de se retrouver, une fois de plus, mêlée à une querelle. Montant à l'étage des filles, elle alla voir dans la chambre d'Alice, mais personne non plus. Abandonnant ses recherches, Nela voulut prendre une douche. Passant devant la chambre de Fleure, elle vit la porte entrouverte. Curieuse, elle la poussa doucement et entra d'un pas hésitant. Sa meilleure amie n'était visiblement pas là non plus. Elle jeta un rapide coup d'œil dans la petite pièce, arrêta son regard sur un bouquet de fleurs posé sur le lit. Elle s'approcha, curieuse de savoir qui avait envoyé ce bouquet dont elle s'empara... Mais qu'elle lâcha aussitôt, effarée. Des roses blanches ! Un bouquet composé uniquement de roses blanches ! Prise de panique, incapable d'affronter Fleure, Nela sortit précipitamment courut se réfugier dans sa chambre. Se laissant glisser au sol le long de sa porte qu'elle venait de claquer, elle se frotta le visage avec ses mains... Ce n'était pas possible ! Ça ne pouvait pas être elle !... C'était la pire chose qui pouvait lui arriver.

— Il faut qu'on parle.

Sursautant, Nela se relevarapidement. Elle trouva Jack, assis sur son lit, jouant avec une rose blanche.Plus rien n'avait de sens. La jeune fille manqua de s'évanouir. Elle n'avaitaucune idée de ce qui était en train de se passer, mais la seule chose dontelle était sûre, c'était qu'une des personnes qu'elle aimait le plus au mondeallait soudainement devenir son pire ennemi.