2- Espoir de changement

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En fin de journée, je suis exténuée. J'ai mal dormi la nuit dernière. Vraiment pas assez. Quand je m'apprête à m'endormir, je ne sais pas à quoi m'attendre. Le dernier cauchemar que j'ai fait n'en était pas vraiment un. Marcher dans une forêt, on ne pas appeler ça une expérience traumatisante. C'est la première fois que cela arrive. J'espère que cela se reproduira.

Je ferme les yeux. Et je les rouvre tout de suite. Le décor a changé. Je suis allongée, au même endroit qu'hier, dans la clairière. Il fait nuit. Je suis plus que surprise. Première fois également que les rêves ont une suite logique comme les chapitres d'un livre. Malheureusement, je ne suis toujours pas maîtresse de mes mouvements.

Un puissant hennissement me fait sursauter. Je me redresse. Là, je découvre un cheval. Il se tient à la limite de la clairière. Je vois dans ses yeux de l'intelligence et du calme. Il a une robe grise et pommelée, une longue et belle crinière blanche luisante sous la lueur qu'émet la pleine lune. Il parait totalement irréel et contraste avec ce qui l'entoure.

Il s'approche de moi, paisible. Je me relève, hypnotisée par cette magnifique créature.

Mon corps s'approche lui aussi de lui, mon autre conscience semble également attirée par ce cheval. Je tends la main vers son encolure et caresse son poil si soyeux. C'est un jeune mâle fait pour les longues distances. Robuste. Nos cœurs battent à l'unisson, je n'ai pas les mots pour décrire cette étrange et agréable sensation qui naît en moi.

- Tu t'appelleras Laden.

Mon autre moi semble convaincue que ce cheval va rester avec elle. Enfin, avec nous. Cela dit... Je n'avais jamais ressenti quelque chose de similaire, que ce soit dans la réalité ou dans mes cauchemars.

Mais on ne me laisse pas plus le temps de penser et je quitte Laden.

Je me réveille en douceur dans mon propre lit. Pour la première fois depuis dix mois, j'ai vécu quelque chose d'agréable durant mon sommeil. Le sourire qui se colle sur mes lèvres témoigne de ma joie.

Je passe ensuite une journée dont je n'ai absolument aucun souvenir, à cause de mon impatience de retourner dormir avec l'espoir de me retrouver au même endroit que la veille en compagnie de Laden.

Après le repas, je vais me coucher directement, sous le regard interrogateur de mes parents. Je ne leur ai rien dit sur mes étranges rêves, ni eux ni à personne d'autre d'ailleurs, même pas ma meilleure amie, Carla. J'ai beaucoup trop peur que l'on me prenne pour une folle et que l'on m'emmène voir des médecins pour déceler une quelconque maladie mentale. Ils ne me croiraient pas, ou penseraient tout simplement que ce sont des cauchemars. Ah... Si ça pouvait être si simple : un problème dans mes gènes qui dérèglerait mon cerveau. Mais moi, je suis persuadée que c'est autre chose...

Une fois dans mon lit, je refais l'inventaire de tout ce que je sais sur ce qui m'arrive : chaque nuit, je rêve d'une autre moi qui vit des expériences désagréables, je n'ai absolument aucun moyen d'être maîtresse de mes décisions, j'assiste juste à ce que je fais. Et je me bats tellement pour sortir de ces rêves dont je suis prisonnière, que je me réveille toujours exténuée. Ce qui a des conséquences néfastes sur ma vie quotidienne : mes notes baissent, je me renferme peu à peu sur moi-même...

Visiblement, je ne sais pas grand-chose sur tout ça... Mais cette nuit, peut-être cela va-t-il changer ?

Un sourire sur le visage, je m'endors.

Même scénario que la nuit précédente : mes yeux s'ouvrent sur un paysage qui n'appartient pas à mon monde.

Je vois un chemin de forêt. Sûrement la même qu'hier ! Mon cœur se gonfle de bonheur quand je reconnais les environs. Mon autre moi chevauche Laden qui marche au pas. Jubilant intérieurement, je me penche sur lui, savourant le contact de ma main sur sa crinière.

Puis je commande à mon compagnon de route de s'arrêter près d'un cours d'eau, je descends, et remarque enfin qu'il est équipé, il ne l'était pas la nuit dernière. Mais d'où vient cette scelle ? Tout en oubliant cette question, je fais boire Laden. Je ne remonte pas sur son dos, mais longe le cours d'eau en marchant à ses côtés. La personne qui contrôle mon corps à ma place agit exactement comme je l'aurais fait. C'est un total changement avec ce que je vis habituellement. Je dois avouer que ce n'est pas désagréable...

Je discerne, plusieurs minutes plus tard, une petite chaumière au loin. Et en me rapprochant, je me rends compte qu'elle se situe à la lisière de cette forêt qui m'avait l'air, jusque-là, sans fin.

Puis je me réveille pile au mauvais moment : une silhouette venait de se profiler derrière la fenêtre.

Je soupire et me lève.

L'héroïne de mes penséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant