L'orage

42 8 9
                                    

Depuis le cœur de la nuit, un orage considérable se déchaîne au-dessus de la Chartreuse et des reliefs avoisinants. Ça gronde régulièrement : sol, murs et vitres tremblent lorsque le tonnerre résonne dans la vallée, les éclairs zèbrent de leurs zigzags d'une blancheur éclatante le ciel à intervalles irréguliers, la pluie tombe, parfois légère et presque inaudible, d'autres fois d'une lourdeur de plomb, frappant les surfaces avec un vacarme assourdissant. Les sources se gonflent, les ruisseaux enflent, les rivières deviennent obèses en quelques dizaines de minutes, elles qui, il y a peu, donnaient l'air de rigoles tout juste bonnes à épancher la soif des escargots de passage.

Vers quatorze heures, l'orage se calme, la pluie cesse, et j'entrevois même un morceau de ciel bleu entre deux formations nuageuses : l'heure d'aller se dégourdir les jambes a sonné ! Aujourd'hui, j'ai prévu de parcourir les mêmes sentiers qu'hier, soit une petite vingtaine de kilomètres assortie d'un gros millier de mètres de dénivelé positif, au départ de la maison, en bordure sud-ouest du massif de la Chartreuse. Au programme donc des sentiers peu fréquentés, des ravines, un peu de pierrier, une forêt épaisse, mais aussi de la piste forestière, du monotrace joueur... bref, tout ce qu'il faut pour contenter un coureur à pied « nature ».

Me voilà donc parti, sac au dos, et d'entrée les sensations sont très bonnes ; hier, j'ai effectué ce même parcours avec ma femme, et donc à un rythme relativement tranquille – n'y voyez pas de misogynie, mais côté course à pied, je suis indéniablement mieux doté. Aujourd'hui, je décide de courir proche du maximum de mes capacités du jour. Les premières pentes sont avalées en courant, puis lorsque le pourcentage devient trop important, je passe en marche rapide. Le sol est boueux, glissant, le sentier parfois se transforme en ruisseau tellement les précipitations des dernières heures ont été abondantes. Chapelle du château, route forestière, Fôlatier, puis direction le Monastère de Curière via un sentier technique, parfois envahi par la végétation.

Après une dizaine de minutes de progression sur cette sente très caillouteuse, j'arrive à une section complètement ravinée : le sentier n'existe plus vraiment, emporté par des glissements de terrain et des éboulements. De l'eau s'écoule en petits filets de tous côtés, et j'imagine qu'une heure ou deux plus tôt, de véritables torrents dévalaient la pente. Prudemment, je m'engage dans la traversée et la descente des rus successifs, lorsque mon regard est accroché par une tache rouge sur ma droite. Je m'en approche précautionneusement, et me rends compte en arrivant au pied d'une souche de taille respectable qu'un sac-à-dos, rouge donc, s'est accroché dans les racines.

Stairway to hellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant