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Prologue

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J'étais assise sur le mur d'un ancien château aujourd'hui abandonné. Mes pieds se balançaient dans le vide. Le lieu était délabré, la végétation avait repris le dessus et recouvrait désormais les quelques ruines qui avaient subsisté. J'avais fait de cet endroit mon sanctuaire quelques années auparavant. Sous le sol se trouvait autrefois un réseau complexe de sous-terrain qui, je le suppose, servait aux employés. J'y vivais désormais.

Mais mon endroit préféré restait sans aucun doute celui-ci. Je me trouvais en haut d'un des murs qui entouraient autrefois le château. Il surplombait toute la forêt. L'immense masse brune et verte s'étendait sur des kilomètres face à moi, au-delà de l'horizon. On pouvait deviner le fleuve qui la traversait, plusieurs villages s'étaient installés à côté. Et si on plissait les yeux la nuit, on pouvait même deviner les fées qui y résidaient. C'était une impression étrange d'être ici et de voir le temps défiler sous mes yeux, tout en sachant que je n'appartenais plus à ce monde.

Je ne risquais plus rien depuis des années, mon nom étant élevé au rang de légende. J'en suis peu fière, si mon père me voyait il aurait bien honte. J'étais allée à l'encontre de toutes les valeurs qu'il avait essayé de m'inculquer. Parce que lui-même avait eu tort. Même les plus grands se trompaient parfois, et mon père l'avait payé de sa propre vie.

Mon monde était divisé en trois royaumes humains. Lumen, Pandora, et Ty-Eah. Ce premier régnait en maitre sur les deux autres.

Autrefois, les créatures magiques, loup-garou et fées, vivaient parmi nous. Aujourd'hui, elles tendaient à l'extinction. Il en restait bien sûr quelques descendants qui possédaient des capacités singulières.

— Athéna ?

En un mouvement contrôlé, je me mis debout pour faire volte-face. La voix grave qui avait résonné derrière moi avait capté toute mon attention en un seul mot. Pas parce qu'elle m'avait fait peur, mais parce qu'elle m'avait donné un espoir immense.

— Avalon ? Est-ce que c'est toi ?

J'aurais reconnu ces intonations entre mille. Je ne l'avais jamais oublié, il avait hanté chacun de mes rêves depuis qu'on avait dû prendre des chemins différents.

Je fouillais l'espace à la recherche de quelque chose, à sa recherche.

— Avalon, je sais que tu es là, murmurais-je.

Le mur était effondré par endroit, la végétation avait recouvert certaines portions. Tandis que je m'approchais pour voir s'il était suspendu, ou caché derrière l'un des multiples buissons, une main attrapa mon épaule. Volontairement, je le laissais m'attirer sur son torse. Me sentant étrangement à ma place entre ses bras, même si l'agressivité émanait de son corps par vague.

Si sa voix n'avait pas été un indice suffisant, j'aurais reconnu son odeur, caractéristique des loups. Un mélange boisé et intense, il s'agissait d'une de ces fragrances qui vous étouffaient. Une de celles qui vous marquaient à tout jamais et que vous ne pouviez simplement pas oublier. Une de celles qui s'ancraient en vous, entourait toute votre personne, et dont vous ne vous débarrassiez jamais.

Sa poigne n'avait rien pourtant d'amical, il me retenait, m'empêchant d'effectuer le moindre mouvement.

Son souffle était lourd à mon oreille, et la chaleur de son corps transperçait nos vêtements respectifs.

— Tu vaux très cher Athéna, tu le sais ?

— Ma tête est mise à prix depuis des années Avalon, tu l'as toujours su. La tienne aussi, d'ailleurs.

Un grognement résonna au creux de mon oreille, entrainant un long frisson qui parcourut mon échine. Et son origine n'était pas la peur.

— Tu penses pouvoir me faire peur ? lui demandai-je d'une voix douce.

J'usais du genre de voix qu'on adoptait face à un enfant. Je ne voulais pas l'effrayer, et je ne voulais surtout pas qu'il parte. Avalon avait été mon compagnon de route pendant des années, il avait fait bien plus pour moi que n'importe qui d'autre. Il avait construit ma personne tout entière, ramassant chacune des pièces de mon être. Réparant la personne éclatée que j'étais après le décès de mon père.

Une lame froide coupa le fil de mes pensées, posée sur ma gorge comme une menace silencieuse. Un rire triste m'échappa. Il menaçait réellement de me tuer ? J'y étais étrangement résignée.

— Fais-le, lançai-je d'un ton sec.

S'il y avait bien une personne sur cette terre qui avait le droit de me tuer, c'était Avalon. Et, après tout, existait-il un plus bel endroit pour mourir ? Mes yeux se perdirent à la contemplation de l'horizon qui s'étendait devant nous. Le ciel s'embrasait tandis que le soleil commençait à descendre.

Un bruit sourd résonna. J'entendis vaguement Avalon prononcer un « pardon » qui, je le savais, me hanterait jusqu'en enfer.

Puis ce fut le noir complet.

Les trois couronnesWhere stories live. Discover now