Chapitre 20

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Quand je rentre, mon père est dans la cuisine. Il m'adresse un sourire.
-Salut. Alors, ta journée s'est bien passée?
-Oui.
Je m'assois en face de lui.
-Et toi? Ce rendez-vous?
Il hausse les épaules.
-La psychologue de ton lycée est venue. Elle a voulu voir la maison, puis nous avons discuté. Je crois avoir passé le test haut la main.
Je lui souris, contente. On continue à parler un peu, puis mon père se racle la gorge.
-J'ai eu des nouvelles de ta mère.
Je sens mon coeur cesser de battre.
-En fait, j'ai pris le courrier quand j'ai trouvé ça.
Il me tend un faire part de mariage. Je sens ma gorge se nouer. La carte est blanche et rose, et il y a une photo de ma mère dans les bras d'un homme aux cheveux marrons. Ils ont l'air heureux.
-J'ai failli ne pas la reconnaître.
C'est vrai que maman a changé: elle s'est coupé les cheveux et les a lissés. Mais je la reconnaîtrais tout de même entre mille. Je sens les larmes affluer et j'ai beau tenter de les retenir, elles se mettent à couler sur mes joues.
-Il a dû arriver hier. Elle t'a écrit un mot.
J'ouvre la carte. A l'intérieur, les mots sont écrits en rose: Audrey Jessica Philipe et Tom Antoine Cornwell ont le plaisir de vous convier à leur mariage qui aura lieu le 2 octobre à l'église de Trevillon.
Ma mère a rajouté en petit: tu me manques, Katie. Viens, s'il te plait.
La rage s'empare de moi, et je jette la carte loin.
-Je la déteste!
-Katie...
-Quoi? Elle nous a abandonnés, elle t'a laissé tomber! Alors, quoi? Ma mère a fait comme si ses deux filles étaient mortes pendant trois ans et maintenant, elle m'invite à venir voir comment elle a réussi à refaire sa vie sans nous?
Il a l'air bouleversé. Je tape sur la table.
-Je n'irai pas, c'est tout!
-Katie, il y a... quelque chose qu'il faut que je te dise.
Je le fixe. Il a l'air désolé.
-Quand ta mère est partie il y a trois ans, c'était sur un coup de tête. Mais ça m'a brisé le coeur, et j'ai commencé à boire. Un soir, tu étais chez Olivia, elle est revenue. Elle voulait te voir. J'étais tellement furieux et... j'étais saoul, Katie.
Je sens la douleur m'envahir. Ma mère est revenue me voir?
-Je lui ai dit que tu ne voulais plus la voir, je lui ai dit de disparaître. Alors elle a disparu.

C'est pas vrai.
Pendant toutes ces années, j'étais persuadée que ma mère m'avait tout bonnement laissée tomber. Et voilà que mon père m'apprend que, non seulement elle était revenue, mais en plus que c'est de sa faute si elle est repartie. Une colère froide s'empare de moi, et je me lève, j'attrape mon sac et m'en vais. Mon père m'appelle, mais je l'ignore. Je sors de la maison en courant, et je cours sans m'arrêter, en larmes. Mes pas me guident jusqu'à la salle de sport, mais un petit papier m'annonce qu'elle est fermée. Furieuse, je l'arrache et le jette par terre. Pourquoi m'a t il menti? Et pourquoi ma mère n'a pas insisté? Elle aurait pu essayer de me voir dans le dos de mon père! Je suis traversée par un mélange de douleur et de haine envers mes parents. Je n'ai pas envie d'aller chez Olivia, ses parents appeleraient aussitôt mon père. Alors je vais dans le centre-ville et je toque à la porte du seul endroit qui me semble un refuge possible. La porte s'ouvre sur Alec. Ouf, ce n'est pas Luc. Il ne dit rien, avise mon visage ravagé, et me laisse entrer.
Mike est assis sur la canapé, torse nu, et se lève d'un bond à mon entrée.
-Katie! Qu'est ce qui se passe?
Il me prend dans ses bras et je fonds en larmes. On reste comme ça un long moment, Mike me caressant doucement les cheveux.
-Qu'est ce qui se passe?
-Qu'est ce qu'elle a?
Mes larmes finissent par se tarir, et je lève les yeux sur Mike.
-Tu veux en parler?
Oui. J'acquiesçe, et il prend ma main pour me guider jusqu'au canapé. James est apparu, et Alec et lui me regardent, les bras ballants. Je prends le mouchoir que me tend Mike. Je dois avoir l'air affreuse.
Puis je lui raconte d'une voix hésitante, le faire-part, la déclaration de mon père. A mesure que je parle, son beau visage se décompose.
-Alors c'est de sa faute si tu n'as pas vu ta mère depuis trois ans?
-Non.
James s'accroupit à côté de moi.
-Si sa mère avait vraiment voulu la voir, elle l'aurait fait. Katie, ton père n'est responsable de rien.
-A part de m'avoir menti. J'ai toujours pensé que ma mère était... simplement partie sans se retourner.
Ma voix est rauque. Je lève les yeux et je le vois alors, appuyé contre le mur, les yeux posés sur moi.
-Oh, salut mec, fait Mike. T'étais passé où?
-Nulle part, fait Luc d'une voix froide.
James grimace, puis me regarde.
-Tu veux rester ici ce soir?
Je regarde Mike, qui acquiesce.
-Je veux bien, je bredouille. Mais je dormirai dans le canapé, ne vous inquiétez pas.
Enfin, c'est surtout Luc qui ne doit pas s'inquiéter que je lui pique son lit.
-Non, réplique Mike... j'ai... un lit assez grand pour deux. Et puis, on dormait déjà ensemble quand on était petits.
Je vois James échanger un sourire avec Alec, mais je l'ignore.
-Merci.
Gêné, Mike passe une main dans ses cheveux. Je me rends compte que je suis toujours contre son torse et me décale, mal à l'aise. Il est quand même un peu torse nu. Et très beau.
Mais c'est le frère d'Olivia.
Mike et moi nous fixons un long moment, jusqu'à ce que James se racle la gorge.
-Bon, c'est pas tout ça, mais moi j'ai faim. Kat, tu manges avec nous?
-Oui. Mais je voudrais passer chercher des affaires chez moi. Juste une minute. Je ne vais pas passer une troisième nuit toute habillée chez vous.
-Tu veux te déshabiller? demande bêtement Mike.
Alec et James éclatent de rire. Je souris.
-Non, je pensais plutôt à amener mon pyjama.
-Oh. Oui.
Il se tortille, signe qu'il est gêné. Je ne peux m'empêcher de rigoler.
-Je peux t'amener chez toi, si tu veux.
Tout le monde se tourne vers Luc. Il évite mon regard.
-J'aimerais te parler.
Je sens mon coeur accélérer. J'accepte qu'il m'accompagne, et nous descendons jusqu'à sa voiture en silence. Il n'ouvre la bouche qu'une fois la voiture démarrée.

La chasse au mecOù les histoires vivent. Découvrez maintenant