Prologue

5.1K 358 879
                                    

L'astre nocturne, plein et imposant dans le ciel nocturne, se détachait de le halo de lumière malgré l'orage qui grondait au loin. Devenue aussi rouge que le sang le temps d'une nuit, la lune était l'unique source de clarté dans cette nuit ténébreuse. Elle était la dernière à m'éclairer, m'empêchant de sombrer dans les profondeurs abyssales de mon âme. Telle une torche, elle ne permettait pas que les humains se perdent dans les entrailles de la terre mère.

Je fermai les yeux et poussai un hurlement qui écorcha les nuages. Ils ne cessaient de s'agglutiner, et le ciel devenait noir après l'incendie qui s'était abattu. Je pleurais en harmonie avec les éclairs qui se fracassaient. Des perles de sueur coulaient le long de mon visage crispé, ne faisant qu'un avec mes larmes salées. Ma peau nue, salie, humide et brûlante de fièvre ressentait à peine la douceur de l'herbe pure et mouillée.

Une contraction me déchira de l'intérieur, laissant un énième cri s'échapper de mes lèvres fendues. Je gémissais comme un animal blessé, couverte de sang, les jambes écartées, me débattant pour fuir cette torture. Les douleurs de l'accouchement. Elles étaient bien plus fulgurantes que le feu qui lacérait l'innocent épiderme. L'impression que quelque chose me broyait de l'intérieur n'était qu'illusion.

– Calme-toi, tout se passera bien.

Cette phrase frêle d'espoir parvint à mes oreilles tel un murmure caressant une promesse chimérique. Qui me l'avait glissée ? Phoebe, Skotia ou Illythie ? Cela m'importait peu. Elle était sans fondements. Je me retrouvais à donner la vie, moi qui avais fait cesser tant de souffles. La justice divine existait, je le savais.

Mon existence était loin d'être un long fleuve tranquille. Pourquoi serait-ce le cas, à la fin ? La destinée m'avait à la fois brisée et façonnée avec délicatesse telle une poupée de terre cuite. J'étais déjà au fond des abîmes. Si elle souhaitait encore me détruire, si elle estimait ne s'être pas suffisamment attaqué à ma personne... Mes bras étaient grands ouverts pour que je l'étouffe de mes mains remplies de rage. Les abysses profonds de mon cœur et de mon âme détruits n'attendaient que cela. Pas une vengeance, mais le souffle de mes battements glacials.

Pourtant. À cet instant précis, dans le tourbillon de mes émotions contradictoires et lorsque je ne voyais plus que le côté noir... Je me questionnais. Qu'avais-je fait pour mériter cette tragédie ? J'étais une déesse pour qui la simple idée d'abandonner n'avait jamais ne serait-ce qu'effleuré mes pensées sauvages, mais je restais une divinité aux sentiments humains. Et mes limites, bien plus lointaines que d'autres, venaient d'être atteintes d'une flèche meurtrière.

J'avais saisi la rose enflammée, laissant en toute conscience ses épines lacérer ma peau afin que je puisse me libérer de ma cage. La vie, je la savais compliquée, mais je n'avais pas décidé d'une existence aussi térébrante. Je ne pensais pas un jour en être devenue la cible. La fleur si pleine de vie s'était fanée dans l'ombre du déni.

Mes paupières recouvrirent mes pupilles sans pour autant taire ma vue. Quitter le monde réel pour permettre à mon corps d'agir instinctivement dans l'espoir d'oublier quelques instants... Cela ne faisait que laisser une place grandissante à mon passé destructeur, qui aurait poussé de la falaise plus d'une à l'esprit trop faible pour résister.

Les souvenirs affluaient, jaillissaient de ma mémoire enfouie, non désirés. Ils se mélangeaient dans un fouillis désordonné. Et de temps à autre, des images devenaient moins floues que d'autres, me rappelant l'acharnement du monde contre moi.

Je me revoyais enfant, retenue par des chaînes pour m'empêcher de vivre. Par crainte ? La réponse m'était inconnue, mais ils voulaient que j'obéisse, que je me taise tandis qu'ils tentaient de me briser pour que jamais je ne me relève. Une approche aussi docile que les ailes d'un corbeau.

ArtemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant