CHAPITRE 52: observation

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Ascension difficile. Sym donne toutes ses forces, nous traîne presque même si nous donnons notre maximum.

Justement, je n'y suis pas à mon maximum. Chaque pas est plus dur, il m'essouffle. La neige est lourde, engloutit nos pieds comme dans du sable mouvant. Et le froid me glace les doigts, le vent est fort, il nous pousse. Les éléments s'enchaînent, s'entraident pour nous faire faiblir plus vite.

Ce sont eux les juges de la sélection naturel, nous les candidats. Les éléments sont juges de nos vies qui ne tiennent finalement qu'à un fil. Un coup de vent trop fort; fini. Une plaque de neige qui se décroche; fini. Un pied qui se pose mal, une cheville qui se brise; fini.

La fin reste la même, la destination trouve toujours la même terminaison. A nous de constituer le reste: Le début, même s'il ne dépend pas que de nous, le centre culminant et l'avant fin.

La vie est une journée en soit. L'aube, l'après midi, le crépuscule et enfin, la nuit.

Lino dérape, une demie seconde, un instant excessivement court qui suffit à la monté d'adrénaline, de peur. Il est debout, n'est pas tombé a juste dérapé. Juste dérapé? C'est le début de la chute, ce qui va l'entraîner.

Pourvu qu'il résiste malgré la neige qui l'atteint à mi cuisse. Il essaie de marcher dans les pas de Sym. Malin, mais fatigué.

Je respire bruyamment, l'air passe mal, semble rencontré d'innombrable obstacles jusqu'à mes poumons.

Lino s'arrête, retient Sym par une chaussure tant la montée est raide. Vent de face, neige qui percute ma rétine. Je ne vois pas bien. Lino s'est juste arrêté.

Il se tourne vers moi avec précaution, sans geste brusque.

- J'en peux plus, j'arrive plus à avancer! Gémit-il les larmes au bord de ses yeux bleus qui faillissent d'exténuation.

- Pourquoi? Je demande bêtement espérant une réponse avec une solution simple à la clef.

- Je peux plus bouger, je suis fatigué. il crie en pleurant finalement.

- Qu'est ce qui se passe? J'entends remonter la voix de la mère au fond du gouffre de vent violent.

- Rien, ça va!

Il pleure et j'ai envie de l'aider plus que tout, mais un poids de plus est-il encore une bonne idée?

- Donne ton sac!

- Quoi!

- Donne ton sac!

Je tends le bras pour essayer d'atteindre la lanière de son sac mais il ne m'en laisse pas le temps. Il l'enlève, me le donne content mais culpabilisant. Il culpabilise de mon aide. De l'aide de quiconque d'ailleurs. Parce qu'il n'est pas sur de pouvoir le rendre un jour. Le sac sur mon dos m'enfonce encore plus dans la poudreuse. Tant pis maintenant il faut faire avec. Se démener plus fort. S'essouffler plus vite surtout.

- Dis à Sym de continuer!

Lino transmet le message. J'aperçois la silhouette de Sym qui se retourne dans le bon sens, qui dérape, glisse. La corde qui se tend Lino immobile comprenant tout juste ce qui se passe comme moi. Pas le temps de réagir.

La corde qui brusquement atteint un niveau critique d'élasticité. Lino qui se retrouve par terre griffe la neige espérant s'y accrocher. J'ai le temps de m'accroupir m'évitant la chute. La corde se tend violemment entraîné par le poids de Sym et Lino. Elle, qui remonte jusque sur ma blessure en m'arrachant un cris.

Noama arrive à coté de moi sans que je ne m'en aperçoive et me retient. Par le blouson à genoux elle aussi pour ne pas glisser.

Les cent quarante cinq kilo de Sym et Lino qui m'écorche l'abdomen et que Noama tente de minimiser.

Je sers les dents et attrape la corde dans mes deux mains espérant naïvement faire faiblir la tension.

Couper la corde. Solution rapide.

Les aider à remonter. Solution plus douloureuse mais toujours moins que la culpabilité.

Mon esprit fait le calcul en un temps records. Nous avons une chance. Sym ayant réussit à se remettre sur ses pieds. Mais Lino non il est allonge n'arrive pas à se relever.

Je recule le poids et les gesticulations de Lino m'attirent vers la chute. Noama attrape la corde tire dessus de toutes ses forces, je lui apporte mon aide. Lino stoppe ses mouvements frénétiques. Sym tente de l'atteindre pour qu'ils puissent revenir jusqu'à nous.

La mère tente de nous rejoindre mais sa fille, devant elle, la ralenti. Fardeau non-intentionnel. Même la petite donne ce qu'elle peut.

Les juges observent.

Sym empoigne Lino par la taille l'aide à se relever. Mué d'une détermination que je ne lui connais pas il le tire presque derrière lui pour réussir cette ascension dont il a perdu quelques précieux mètres.

Il remonte repasse en tête, largue Lino un peu devant moi, sans un mot, sans s'arrêter. Nous ne parlons pas Noama et moi, nous échangeons seulement un regard d'incompréhension. Un tumulte monstre dans nos tête que le vent glace un peu plus.

Je ferme les yeux, sens mon ventre se réchauffer.

***

Même trajet, même gestes, même souffrance depuis des heures j'ai l'impression. Depuis une seulement, réellement.

Mécanisme parfait. Le vent s'est calmé, chacun regarde ses pieds pour ne pas trébucher.

- Regardez! S'exclame Sym sans se retourner pour autant.

Je lève les yeux. Enfin. Le sommet, le haut de cette falaise qui m'a parut sans fin et que je vois flou. 

LumièreTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon