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– Monsieur, Clyde MacFerson vient d'arriver de Palomito, annonce aux deux hommes une jeune femme un peu ronde, visiblement toute essoufflée d'avoir dû courir pour les rattraper.

– David, Steven et toi MacFerson, dans le bureau ovale pour un débriefing général, et pronto ! hurle aussitôt Bullit au travers de la vaste pièce qui se fige quelques secondes puis reprend son travail fébrile et affairé.

Puis, empoignant au bras la petite secrétaire, il ajoute en sourdine :

– Gladys, vous avez réussi à la joindre ?

– Non monsieur, ça ne répond pas, mais je continue encore, répond-t-elle apeurée.

– Réessayez jusqu'à ce que vous y arriviez et si cela ne suffit pas envoyez un agent sur place. Y'a qu'à prendre un de Ripper, ils sont perdus à L.A. et ne sont pas très utiles. Pas vrai Douglas ?

Celui-ci ne répond pas. La secrétaire s'enfuit et les deux hommes quittent la grande salle. Le bureau ovale ce n'est pas l'annexe de celui de la Maison Blanche, mais la salle réservée au personnel fumeur du FBI. Los Angeles, dans son long cortège de paradoxes, affiche ouvertement la volonté de bannir la cigarette de tous lieux publics tout en accueillant les bureaux centraux des principales industries tabatières du pays. Bullit, en tant que familier des lieux, a réquisitionné le dernier bastion tabagiste de l'étage pour y établir son quartier général et y centraliser toutes les informations. Ripper n'a eu d'autre choix que de s'installer lui aussi dans la pièce, son bureau encadré par la machine à café et un distributeur de paquet. L'exiguïté de l'espace et la tension ambiante a eu tôt fait de transformer l'endroit en un carrefour des brumes, malgré la fenêtre maintenue ouverte jour et nuit.

Bullit s'assoit sur son bureau et entame aussitôt son deuxième paquet de la journée. Ou troisième peut-être ? Il ne les compte plus. Les trois agents qui lui ont emboîté le pas se placent en arc de cercle autour de lui. Ripper, en retrait, s'installe dans son fauteuil et ne dit plus rien. Il n'est pas sur son territoire et le sait. Passer pour un second couteau aux yeux du petit personnel ne lui coûte rien, il se sait coorganisateur de l'opération et cela lui suffit. La gloriole et les effets de manche il laisse cela à Bullit. Et puis, la situation est trop grave pour que les deux hommes se permettent d'y aller de leur couplet personnel sur les usages et les priorités.

– Je t'écoute MacFerson. Refais-moi un topo de la situation depuis le début. Fais comme si je débarquais de la lune. Steven, tu prends le relais, puis toi David, dit Bullit entre deux bouffées de fumée.

MacFerson s'est un jeune brillant, intelligent et poli. Le meilleur agent de Ripper. Parce que ces qualités lui rappelent les siennes, le second adjoint pousse sa carrière. En plus de cela, MacFerson est audacieux et affiche une éternelle belle gueule souriante, qualités qui manquent à Ripper et qui fait qu'il l'aime comme le fils qu'il n'a jamais eu. Le seul défaut de MacFerson sont ses origines afro-américaines et le poids des préjugés ancrés dans l'inconscient de l'Américain moyen. Dont Richard Bullit. Il ne l'interpelle que par son nom – comme l'ensemble des collaborateurs de Ripper. A contrario, David Fallon et Steven Galbrain représentent les cerbères de Bullit. MacFerson prend la parole d'une voix claire mais marquée par la fatigue de nombreuses nuits blanches.

– Samedi dernier, la police militaire de la 33ème unité d'action stratégique de Palomito nous informe de la disparition d'une mallette contenant du matériel top secret, destiné au service action de la sécurité du territoire. Généralement ce genre d'affaire est traité en interne par les Police Militaire. Ils ne s'adressent qu'en dernier recours aux autorités fédérales. Or là c'est dans les heures mêmes qui suivent le vol que nous sommes prévenus. Aussitôt, monsieur Ripper joint par téléphone le haut commandement de la côte ouest et obtient la vérité...

72 minutesWhere stories live. Discover now