r a i n Ⓞ t w o

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w h a t h u r t s y o u

b l e s s e s y o u

d a r k n e s s i s y o u r c a n d l e





La nuit a été longue, comme toutes les autres nuits, de tout façon. Dès que je sentais Cole grelotter contre moi, je resserrais mes bras autour de lui, et je priais pour avoir encore assez de chaleur en moi à lui transmettre. Heureusement, la laine de verre nous a fait une bonne isolation, peut-être que je devrais essayer d'en fourrer le plus possible dans mon sac pour les autres nuits ? Nous n'aurons peut-être pas autant de chance et, la prochaine fois, nous dormirons sûrement dans des vieilles toilettes délabrées ou sous un bureau abandonné. Le seul problème, c'est que la laine de verre, ça pique. Mais, tout comme moi, Cole semble avoir trop froid pour y penser.

Je me demande quelle température il fait, et quelle heure il est également. Quel jour nous sommes, en quelle année. J'ai oublié tout ça, tous ces petits détails qui nous relient au temps, à la nature. Quand j'étais petite, mon père m'apprenait à estimer l'heure à la position du soleil, à deviner la température en m'exposant au vent, à l'extérieur. Mais honnêtement, maintenant, tout ce que je peux dire, c'est que quand le soleil se couche, il va faire nuit, et quand il se lève, il va faire jour. Et pour ce qui est de la température, ça va de froid, à chaud, à agréable. Je ne compte plus les jours, ni les mois, ni les années. Les saisons permettent de s'y retrouver de temps en temps, mais cela fait plusieurs dizaines d'années que le réchauffement climatique a tout détraqué, et maintenant, il est capable de pleuvoir des trombes en plein été comme avoir du grand soleil pendant l'hiver. Une fois, il a neigé pendant une semaine, alors que j'étais persuadée que nous étions en été...

Mon ventre gargouille encore et encore, depuis maintenant dix minutes, et je suis à deux doigts de réveiller Cole, pour que nous allions chercher à manger, mais il se réveille de lui-même, en sursaut. Son première réflexe est de regarder autour de lui jusqu'à ce que mes yeux croisent les siens, et ensuite, il serre son ours en peluche contre lui. Je passe doucement ma main dans ses cheveux, aplatissant les épis au dessus de son crâne, et ses boucles sauvages, et je le rassure, lui laissant le temps de reprendre un souffle normal. Il a sûrement dû faire un cauchemar, mais il y a une règle que nous avons établi il y a longtemps. On est pas obligé de parler, on a le droit de se dire seulement ce qu'on a envie de dire. S'il ne veut pas en parler, je ne le forcerais pas. Cole et moi, on se parle tout le temps, tout simplement parce que nous sommes les seuls personnes à qui nous pouvons parler, mais cette règle existe pour nous laisser une certaine intimité. Ça fait quinze ans qu'on s'est pas quitté d'une semelle, alors nos pensées sont les nôtres, et si c'est notre souhait, elles doivent le rester.

Cole enfouit sa tête dans le cou de cette immonde peluche et ferme les yeux. J'ai toujours détesté cette peluche, elle a été un fardeau pour moi, au début. Quand Cole était trop petit pour marcher, ou qu'il était trop fatigué, je devais le porter, lui et cette fichue peluche aussi, et mon sac, bref, j'en avais plein les bras. Mais je la lui ai laissée, parce que je me suis dit qu'un petit enfant devait avoir plus à se raccrocher que sa grande sœur râleuse et pessimiste. Sauf que je ne pensais pas qu'il traînerait toujours Twix avec lui, même à l'âge de quinze ans. Et même si je me moque souvent de lui avec ça, je n'ai pas le courage de le lui arracher des mains. Mon frère n'a pas de souvenirs de nos parents, il n'a jamais parlé à un autre humain, il n'a rien connu d'autres que tout cette vie pourrie. Il a bien le droit de pleurer en cachant son visage dans un ours en peluche.

No hope for humanityUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum