La folie de la tequila partie 3

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J'avais réussi à semer mon poursuivant et tant que je restais sur ce chemin je ne courais plus grand risque.

J'étais toujours aux aguets mais mon cœur et ma respiration purent reprendre un rythme normal. Je paniquais à chaque bruit suspect qui se révélait en fait être de simples craquements de branches (que je cassais en marchant). Après vingt minutes je n'en pouvais plus, j'allais péter un plomb si cela continuait ainsi. Les paroles d'Eden résonnèrent dans ma tête "Marguerite quand tu as envie de tout détruire, tu fais le vide dans ta tête. Ne leur fais pas le plaisir de leur prouver qu'ils ont raison ! Tu es spéciale Marguerite mais si tu t'en donnes la peine tu peux vivre aussi bien que n'importe qui ! Contrôle tes pulsions et tout ira bien.", il me répétait ces phrases dès que j'avais envie de faire exploser le monde entier, c'est-à-dire assez souvent. Et j'avais craqué. Après des années à me contenir, je venais de tout faire foirer. J'avais eu l'idée du revolver après m'être enfilée quelques verres de trop. Eden travaillait tard ce soir-là alors j'avais essayé de faire passer le temps plus vite. J'avais beau avancé les aiguilles de l'horloge qui me lorgnait à chaque repas, sur le mur d'en face de la table à manger, je voulais voir Eden et Eden n'était pas là. Alors j'avais entrepris de vider la bouteille de tequila, pour m'occuper. Et cette idée m'était venue à l'esprit. Quand une idée me venait, elle m'obsèdait. Jour et nuit, ça tournait dans ma tête, je n'entendais plus que ça. Et pour que ça se taise, il fallait que je la mette à exécution. Eden me disait souvent que je devais faire passer mon bien être avant celui des autres, que je devais prendre soin de moi parce qu'un jour il ne pourrait plus le faire à ma place. Alors j'ai suivi son conseil, entre ma santé mentale et celle d'un autre, j'ai choisi la mienne.
À mettre des conseils en application, je me retrouvais poursuivie par la police, par Eden lui-même."L'hôpital qui se fout de la charité, comme on dit", pensais-je. Évidemment je savais bien qu'en faisant cela, rien ne serait plus pareil, j'étais un minimum lucide disait les médecins. Mais je n'avais pas pris conscience que cela revenait à barrer Eden de ma vie. Pourquoi était-il rentré si tard ce soir là ?! Il avait sa part de responsabilité dans toute cette histoire !
Je sortis de mes pensées lorsque j'arrivai au bout du chemin. Il débouchait sur une route qui montait vers un stade. J'allais sortir quand je vis une voiture de police garée un peu plus haut dans la rue.
Mes oreilles se mirent à bourdonner,le sang battait si fort dans mes tympans que bientôt je n'entendis que cela. J'attendis que mes pulsations cardiaques se calmèrent en prenant de grandes inspirations. Après quelques minutes de panique totale, je décidai de remonter la rue de la manière la plus calme et banale qui soit. La police recherchait une tarée qui avait tiré sur quelqu'un et fait sauté une grenade, si je donnais l'air de faire ma promenade hebdomadaire, je ne courais presque aucun risque. J'inspirai longuement et m'élançai. Je guettais le moindre mouvement dans la voiture mais rien ne bougea. Elle était peut-être vide, après tout ? Arrivée à la hauteur de la voiture, je ne pus me retenir de tourner la tête pour jeter un coup d'œil à travers la vitre. Mon cœur rata un battement,je sentis des fourmis m'engourdirent les jambes et j'eus l'impression de me déplacer au ralenti. Eden et un de ses collègues étaient assis dans la voiture. Le deuxième homme était occupé sur son portable tandis qu'Eden me fixait. Il n'avait qu'à sortir de sa voiture pour me tirer dans le dos. J'attendais que le bruit d'une portière qui s'ouvre atteignit mes oreilles mais rien ne vint. Le silence que seul le bruit de mes pas brisait était assourdissant. Je n'osais pas me retourner par peur que ce geste lui donnerait envie de m'abattre. J'étais en haut de la rue quand j'entendis enfin la portière s'ouvrir. Je pressai mes paupières et contractai tous mes muscles en prévision de la balle qui allait bientôt traverser ma peau pour se loger dans mon corps. Mes jambes étaient tremblantes mais je continuai à mettre un pied devant l'autre. La portière claqua et je sursautai violement.Je n'y tenais plus et me retournai. Eden marchait vers moi à grands pas, aucune arme dans les mains. Elle est coincée dans son dos, pensais-je, c'est ce qu'il fait tout le temps ! Il ne me regardait pas mais fixait le sol devant lui. Il voulait sans doute tirer à bout portant, j'avais entendu dire quelque part que plus le tireur était près, plus la victime souffrait. Je me mis à courir vers le stade, désireuse de repousser ce moment douloureux le plus tard possible. Un petit attroupement se tenait près des grilles du terrain de foot. Je reconnus plusieurs personnes et allai à leur rencontre.
- Marguerite ? Il parait que les flics te cherchent, c'est vrai ?
- Parait aussi que ton copain, comment il s'appelle déjà ? Edouard ? Eddy ? a faillit tirer sur Mme Pétanier et qu'elle l'aurait bien engueulé, la grosse !
- C'est Eden j'crois ! Trop bizarre ce gars, à chaque fois que je le vois il a une bouteille à la main !
- Qu'est-ce qu'ils te veulent hein ? Tu t'en aies encore prise aux poules de M Ferrand ?
Ils parlèrent tous en même temps, leurs voix se mélangeaient avant que je ne comprenne quoi que ce soit. Ma tête se mis à tourner et je dus me rattraper au poteau électrique pour ne pas tomber. Je me concentrai sur lui pour faire abstraction de leurs voix nasillardes qui me vrillaient le crâne. C'était un de ces larges poteaux aux creux à intervalles réguliers qui avaient l'air d'une échelle où l'on aurait fait couler du ciment entre chaque barreau. Soudain j'eus une autre idée. Ce poteau, il n'avait pas cette forme si particulière pour rien ! Pourquoi faire un poteau à l'allure d'échelle quand on peut en faire des lisses, si ce n'est pour monter dessus ? Cela paraissait évident !
J'entrepris de monter. J'étais au huitième échelon lorsque Eden arriva. Il n'avait toujours pas sorti d'arme, pourtant j'étais dans une position des plus défavorables. Je l'entendis demander aux autres ce que je comptais fabriquer là-haut mais personne ne lui répondit. Je continuai mon ascension, mes bras commençaient à tétaniser et mes pieds glissaient de plus en plus souvent. Aller jusqu'en haut serait difficile. Au quinzième échelon, je les entendis me crier de redescendre, que j'allais me tuer. L'idée me parut séduisante, Eden n'aurait pas à gaspiller une balle pour moi. Et puis il avait l'air d'hésiter, lui qui obéit à n'importe quels ordres même ceux qui lui déplaisent fortement. Donc je lui rendrais service en m'écrasant au sol. Je lui devais bien ça, après tout ce qu'il avait fait pour moi. Je baissai la tête, je devais être à six ou sept mètres. Eden avait les yeux rivés sur moi, il dut deviner mon intention car il cria mon prénom avant même que je ne lâche le poteau. Je ne me sentis pas flotter comme on pourrait l'imaginer. Non, j'avais plus l'impression d'être une pierre irrémédiablement attirée par le sol.

Plus qu'une partie :)
xx

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