É p i l o g u e

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Le problème avec les bonnes choses, c'est qu'elles ont toujours une fin.
Pacôme ne le comprenait qu'à présent.

Coralz n'était jamais réapparue au parc, n'était même pas réapparue tout court, même si elle avait pris la mauvaise habitude de hanter ses rêves. Chaque nuit, il se réveillait en sueur, tremblant et brûlant à la fois, des images de son joli visage sous la pluie battante plein la tête, quand ce n'était pas sa charmante voix qui résonnait inlassablement dans sa boîte crânienne.

Pacôme n'arrivait pas à coller des mots sur la relation qu'il avait entretenue avec la fille aux marrons. C'était si étrange ! S'aimaient-ils ? Peut-être.
L'esprit du jeune homme était privé de toute clarté.

La mélancolie silencieuse dans laquelle s'enfermait peu à peu Pacôme prit fin quelques temps après la disparition de Coralz.

Il avait commencé à laisser des marrons dans les poches des gens. C'était assez intuitif, ça lui était venu spontanément ; il cherchait à reproduire les faits et gestes de la jeune femme. Rapidement, il s'était rendu compte que les promeneurs ne le remarquaient pas vraiment. Il aimait se dire qu'il était discret, plutôt qu'il devenait le reflet de Coralz.

Le temps passait, les feuilles tombaient, l'air se rafraîchissait, et le temps devenait de plus en plus nuageux.
C'était à l'époque où l'automne commençait à assiéger le paysage, que Pacôme fit une rencontre.

Comme depuis plusieurs semaines, il errait dans le jardin public, des fruits toxiques plein les poches, ainsi que le collier qu'il avait gardé, soigneusement caché entre sa peau et son t-shirt.
Il s'arrêta devant le banc qu'il avait l'habitude d'emprunter lorsqu'il venait écrire.

Une jeune femme brune, cheveux lisses coupés à peine en-dessous de la mâchoire, en un carré ébouriffé ravissant, portant une robe associée à des collants colorés et une petite veste fine, était assise sur le fameux banc.

Elle avait, posée sur ses genoux, une pâtisserie, reposant sur un délicat petit papier rosé aux bords dentelés. La brunette grignotait le plus proprement possible son mille-feuilles débordant de crème pâtissière.
Pacôme s'arrêta à quelques mètres, observant cette inconnue dont les jambes lui rappelaient étrangement Coralz. C'était ce qui lui avait sauté aux yeux : ses jambes d'une minceur atypique. Puis, vinrent ses cheveux brillants, ses fossettes creusées sans qu'elle n'eut à sourire, ses lèvres fines mais colorées, ses hanches marquées alors qu'elle était assise.

Cette jeune femme l'intriguait chaque jour un peu plus, et Pacôme sentit dans son for intérieur se rallumer quelque chose. Il se mit à la suivre, à la guetter, à épier quels jours elle venait, à tenter de savoir qui elle était. Voilà qu'il perdait ses moyens comme à l'époque de Coralz.

Un beau jour, la jolie brune remarqua l'un des marrons que le jeune homme lui avait laissé dans les poches. Et devant ses yeux ébahis, se dessina Pacôme, son teint pâle et ses cheveux clairs.

Qu'il était beau ! Elle ne comprenait pas pourquoi elle n'avait pas remarqué ce jeune homme auparavant. Qu'il avait du charme !
Elle se leva et s'apprêta à se présenter, lorsque le garçon recula. Doucement d'abord, comme s'il se rendait compte qu'on le voyait à nouveau.
Puis brusquement, il détala.

La jeune femme retourna à son banc. Elle se laissa tomber dessus, puis attrapa le marron, qu'elle observa durant de longues minutes.
Et la brune murmura à elle-même, comme une prière :

《 - Son nom, rien que son nom...!

La Fille aux MarronsWhere stories live. Discover now