R e n c o n t r e

174 58 23
                                    

Cette fois, Pacôme ne s'est pas séparé du précieux fruit délaissé.
Il l'a glissé dans sa sacoche, et son bruit qui tinte contre ses affaires lui rappelle à chaque seconde sa présence.
Quelques fois, il le ressort, le sert dans ses mains moites, l'observe davantage, comme s'il changeait entre deux contacts.

Pacôme n'est pas fou, et il a bien deviné que c'était l'inconnue qui lui avait laissé ce présent. En tout cas, c'était comme cela qu'il voyait les faits.

Quelle ne fut sa surprise à son réveil, le jour précédent ! Un marron, symbole de l'étrangère, entre ses mains, à lui !
S'était-elle approchée si près de lui ? Avait-elle tremblé en se rapprochant ? Mais surtout, que désirait-elle réellement ?
Parce qu'elle ne réussissait qu'à entretenir cette envie inexplicable de la connaître, qui le consumait.

Pacôme avait dans la tête mille questions, et dans le coeur mille espoirs. Il faut dire que personne ne l'avait jamais, au grand jamais, autant intrigué. La fille aux marrons est la seule à détenir ce pouvoir.

Comme tous les après-midis qu'il a de libres, le jeune homme se rend au parc. Il passe le portail dont la peinture azurée s'écaille, et va se promener.

La chance lui sourit, puisqu'il aperçoit la fille aux marrons, un peu plus loin.
Elle est de dos, marche vite, comme poursuivie. Sa veste trop grande, si usée qu'elle s'effile dans le dos à certains endroits, s'arrête à la moitié de ses cuisses. Il est bouffant, son manteau râpé, et possède un aspect masculin.
On a l'impression de voir sa peau diaphane à travers les fils du tissus abîmé.

Pacôme, lui, voit son coeur à travers ses vêtements. Et il est tant immense qu'il menace de lui briser les côtes.
Elle risque à tout moment d'imploser.

Ses jambes sont maigres, comme si elle ne s'alimentait qu'un jour sur deux.
Ses cheveux blonds sont emmêlés.
Elle n'est pas belle.
Pacôme s'en contrefiche.
À ses yeux, elle est fascinante.

Il s'élance. Il court, ses pas s'accélèrent, ses poumons lui brûlent la cage thoracique. Son coeur s'emballe, il arrive non loin d'elle, le souffle court.
Il se remet à marcher.

《 - Hep ! s'écrit-il entre deux expirations. 》

Elle se retourne comme un coup de vent, et ses yeux de jais le foudroient.
Il s'empresse de lui montrer le marron qu'il a en sa possession.
Il lui tend, et prudente, elle le récupère. Elle le laisse dévaler son manteau et tomber dans sa poche.

Retrouver son fruit toxique semble rassurer la fille aux marrons, qui indéniablement, paraît heureuse.
Ses dents un peu pointues sont exposées à la lumière, et son charmant sourire ravit Pacôme.

《 - Comment tu t'appelles ? 》

Ça y est ; il s'est jeté à l'eau.
Elle lève les yeux vers lui après un long silence, et ses lèvres murmurent :

《 - Coralz. 》

La Fille aux MarronsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant