Elsy met les formes

This is the end

Assise sur le couvercle de la lunette des toilettes femme, enfermé depuis vingt bonnes minutes, j'engloutie mon huitième macarons. La bouche pâteuse et affreusement sucré je ne savoure même plus ses succulentes petites douceurs qui d'habitude me font craquer. Et puis je m'en veux, car j'en aurais plus pour ce soir. Mais en même temps je crois que je n'ai plus vraiment envie de sortir, je suis tellement abattue et contrariée par tout ce que j'ai appris quelque heures plus tôt. J'envoie un texto d'excuse à Emma. Dans les cinq minutes qui suivent mon téléphone se met à vibrer dans mon sac.
- Elsy, ça va? Sa voix inquiète me fait monter les larmes aux yeux.
- Non, j'avale difficilement ma salive pour faire passer mon envie de pleurer, je viens de me faire massacrer par mon patron.
- Pourquoi? Il t'a dit quoi?
Je laisse le silence s'installer le temps de réfléchir.
-J'ai... Je....sans voie. Je n'arrive pas à trouver les mots pour lui expliquer que je vais perdre mon boulot.
Après avoir découvert la chute vertigineuse des audiences que mon émission subit depuis plus de neuf mois, mon boss à souhaité que nous en discutions en tête à tête pour trouver une solution. Il m'a fixé un ultimatum de deux mois avant de mettre fin définitivement à "Elsy arrondie les angles" le programme que j'anime depuis trois ans. Mais j'adore mon émission, j'adore mon partenaire Pat, j'adore être à l'écoute, commenter, réagir aux questions de nos auditeurs. Ma réussite, ma grande réussite. Et voilà la fin. C'est trop injuste.
Je n'arrive plus à retenir mes larmes, je sanglote, malgré moi. J'en profite pour avaler le dernier macaron.
- Calme-toi, respire à fond, prends tes affaires et rentre chez toi. M'ordonne Emma avant de raccrocher.
Mon moral remonte d'un cran. Je range mon portable et jette la preuve de ma douloureuse gourmandise. Je sors, dans la rue  qui m'est si familière, je cours sans regarder où je vais. Je n'ai pas dû courir comme ça depuis les cours d'EPS avec Madame  Jacours, mais à l'angle de la rue, je suis forcée de m'arrêter une douleur aiguë me paralyse subitement le côté droit. Mes deux mains appuyées sur les cuisses je reprends mon souffle.
Je me sens mieux, je relâche la pression peu à peu. Du coup je vais finir le trajet jusqu'à mon appartement en bus, il faudrait pas quand plus d'être bientôt au chômage, je finisse à l'hôpital.
Quand j'arrive à la porte de mon appartement, Emma m'attend devant. Elle me prend dans ses bras. M'embrasse sur la joue, et s'écarte pour mieux me voir.
-T'as déjeuner ?
La question n'en est pas une. J'ai grignoté tout et n'importe quoi depuis mon réveil quelques heures plus tôt et je ne peux pas dire que manger et ma priorité.
- Viens avec moi, t'as besoin d'un verre. Le ton de sa phrase ne me laisse pas d'autre choix que de la suivre chez elle : au palier du dessous. Elle sait qu'en me faisant boire elle aura tout les détails.
Emma est dentiste, elle soigne des caries, blanchie des dents et plonge ses mains dans des bouches tout au long de la journée. C'est également ma plus ancienne amie. Et elle fait bien plus que de s'occuper de ma dentition, elle soigne également mes problèmes professionnels, sentimentaux, et familiaux comme une vraie copine. Son cabinet se trouve dans le même immeuble que moi, puisque c'est elle qui me loue l'appartement à l'étage, que j'habite depuis "Ma rupture". Emma a reporté notre soirée entre fille au week end prochain. Je vais donc pouvoir m'apitoyer sur mon sort  et avaler tout ce qui me passe sous la main, sans aucun remords.
Résultat, deux bouteilles de chardonnay vides après plusieurs mois d'abstinence complète. Étendue sur le canapé d'Emma avec la tête qui pèse un demi quintal et doit plutôt faire peur. Mais l'important c'est que je me sente mieux, fini la déprime. Je m'étend sur le fauteuil, la bouche pâteuse, la tête qui bat au rythme d'une musique disco, mais avec une idée sous le son des "village people" qui me ravage l'esprit. Je vais peut être la sauver mon émission. Après tout j'ai deux mois devant moi pour tout tenter!