Robert Hood

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"-Vous me laissez seul avec lui, là ? Dit le ferronnier inquiet en se retournant.

-T'as pas à t'en faire, il est totalement, le commandant jeta un œil au détenu, sonné... Depuis des heures et des heures !

-Pas sûr que ça me rassure... chuchota-t-il en guise de réponse... au néant ! car le commandant c'était déjà empressé de fermer la porte derrière lui."

Le ferronnier s'approcha, un vrai massacre. Des copeaux, de la sciure, des confettis emplissaient la salle. D'abord, il vit le lit, déchiqueté, l'oreiller éventré et des plumes de poule voltant au moindre courant d'air. Croyez-moi, cet endroit était aussi frais et humide que sous la plus grosse des bourrasques, la dernière, celle qui vient s'écraser sur vos vêtements imbibés d'eau, d'une tempête dont on entend encore les vrombissements au loin.

Encore un pas, et la vision du criminel lui parvint. Il fut frappé d'un coup au cœur. Il recula, acculé par la honte du voyeur qui se fait prendre, mais espiègle, il s'entêtait et osait s'infliger à nouveau ce spectacle terrifiant et étonnamment beau... Après une hésitation de la tête, une douce danse de pas en va-et-vient sur les pavés reluisants à la seule lumière étouffée - une chandelle luttant contre la pénombre dans le coin opposé au meurtrier - il s'avança enfin, franchement.

"Bonjour... je viens réparer la cage... Fais pas attention, j'en aurais pas pour longtemps."

Pas de réponse.

L'artisan alors commença son examen. Ses yeux s'alignèrent sur les barreaux. D'abord, dans l'incompréhension puis, dans la constatation; il n'acceptait pas la réalité. Ces longues tiges de fer, brillants de leurs plus beaux éclats dans la lueur spectrale, étaient, autour de la porte, mutilées, violées.

Soudain, il comprit l'incompréhensible, il s'obligeait à y croire, parmi les débris jonchant le sol, de minuscules étoiles scintillantes telle la rosée dans l'herbe du matin, et davantage le soir... des résidus, qui aussi incroyable que cela puisse paraître, attestaient du crime commis en ce lieu. Le métal si fort, si dur, mis en pièces, étalé en poudreuse, en particules brillantes attaquant les rétines de leur fragilité nouvelle.

"C'est... c'est impossible... tenta d'affirmer le ferronnier incrédule devant ce cimetière de fer, dont les quelques carcasses tenaient encore comme par une sorte de charme inéluctable."

Il s'appuya sur la ruine d'un barreau afin de reprendre souffle, de revenir à la réalité, à ce qu'il connaissait, mais le peu de force qu'il mit alors dans son bras suffit à souffler le dernier étendard planté dans ce sol, témoin du combat, qui se résignait aussi à présent... Le reste de cylindre tomba.

Glink. Bruit métallique sur le pavé. Écho qui à la recherche d'une victime se répétait et se répétait. L'assaut maudit atteignait déjà les tympans de l'artisan tremblant sur ses fondations, sous le poids de ce son lourd. Encore la barre de fer relance son attaque, elle rebondit sur les pierres, une fois, deux fois...

Silence.

Aucun signe d'alerte. L'homme dans la cellule avait tourné la tête lentement, sans tressaillir. Il fixait la lance de lumière. Il dévisageait la lance de lumière.

"-Tu ne m'auras plus, grommela-t-il.

-...Quoi? Tu... t'as dit quelque chose? Se risqua à demander l'homme libre après quelques secondes d'emprise."

Pas de réponse.

Il regretta cette question. Elle lui valut le droit d'être défiguré à son tour. Le détenu ne décollait plus son regard du ferronnier, et celui-ci d'abord emprunt à la peur, s'y accommoda à force d'aplomb. Il soutint son regard, pourtant... il déviait.

Nouvelles-(C)ontesWhere stories live. Discover now