Chapitre Unique

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<< Il est vrai que je n'ai jamais su prendre ma vie en main. J'ai toujours été celui qui faisait rire tout le monde pour exister. Je me fichais du fait qu'on ne me prennait pas au sérieux, tant que j'existais pour quelqu'un. Que je captais son attention ne serait-ce qu'une fraction de secondes. Cela m'apportait une bouffée d'air dans ma triste vie.
Mais j'ai rapidement compris que cela ne m'apporterait plus rien à long terme. Tous mes sois-disants amis ont disparu. J'en ai souffert, j'en souffre, et j'en souffrirai encore toute ma vie j'imagine. Contruire ma vie sur les autres, c'était ça ma vision. Et elle a échoué. J'en ai pleuré des nuits et des jours entiers sans m'arrêter. Jusqu'au jour où je t'ai vu, toi. Pour la première fois de ma vie. Tu m'as plus apporté en un instant que tous mes anciens amis rien qu'en te présentant devant moi. Je revivais enfin. Mais malheureusement, un bonheur n'arrive jamais seul, du moins pour ma part. J'ai vite compris qu'une barrière nous séparerait tout le restant de nos vies. Puisque tu ne t'es pas présenté à moi afin de venir égailler ma vie, mais celle de ma soeur. Et oui, tu étais le petit-ami de cette dernière. La malchance s'abattait encore sur moi, pour m'achever certainement. Je n'en pouvais plus. Chaque minute en ta présence me déchirait et me faisait vivre en même temps. En plus d'être une attirance à sens unique, tu étais hétéro, et tu sortais avec ma soeur.
Peu de temps après notre première rencontre, mes nuits blanches ont recommencé. Tu n'y étais pour rien, mais pourtant je t'ai haïs, mais je me suis haïs encore plus. Ma vie se résumait à ne penser qu'à toi. Qu'est-ce que j'étais égoïste, d'ailleurs je le suis toujours. Et je le resterai encore longtemps sans doute. Ca a toujours été ma nature en fait. Je ne changerai surement jamais.
On me disait parfois qu'il fallait mieux être seul que mal accompagné. Pourtant je pensais tout le contraire. Pour vivre, il faut exister. Et exister aux yeux des autres. J'ai toujours pensé comme ça. J'avais peut-être tord, ou bien alors j'avais raison. Mais à vrai dire, peu m'importait. C'était la vie que j'avais choisi, quand bien même je ne l'aimais pas. Oui, je suis quelqu'un de très contradictoire. Une des raisons pour lesquelles j'ai toujours été seul je pense. J'ai continué à me renfermer peu à peu, replongeant dans ma pénombre.
Dans ma solitude, j'oubliais souvent ma soeur aussi. Je ne faisais que de me plaindre, et pourtant ce devrait être elle la plus malheureuse. Enfin si elle l'apprenait. Ce que je souhaitais le moins du monde. Décidément, le désespoir me collait à la peau, comme imprimé dans ma chair. J'ai toujours été quelqu'un de tiraillé, et de dément avec certitude. Mais en ces instants, je l'étais dix fois, voire vingt fois plus qu'à la base.
Je ne pouvais rien faire. Me trouver quelqu'un d'autre ? Pour que cette personne souffre autant que moi ? Je n'étais pas d'accord avec ça. Partager ma peine ? Non plus. Et je savais déjà à ce moment-là que jamais, je dis bien jamais, je n'arriverai à te remplacer. D'ailleurs ce n'était pas ce que je cherchais. Le seul regard que tu pouvais poser sur moi me déstabilisait au plus haut point. Mes jambes flageaulaient. Je tremblais, tout en faisant des mouvements sans queue ni tête avec mes mains jointes.
C'était ça, aimer ? Alors je n'étais pas fait pour être amoureux, voire plus simplement pour ressentir ce sentiment. Ce qui devait m'ouvrir aux autres, m'a au final replier sur moi-même. Comme si je ne l'étais pas déjà assez.
J'ai compris rapidement que détester allait de paire avec adorer.
J'en subissais sans cesse les conséquences.
Juste insupportable.
Jusqu'au jour où tu es venu pleurer à ma porte. Tu implorais ma clémence, alors que tu n'en avais pas besoin. Tu aurais pu me battre, me briser sans t'arrêter, que je t'aurais tout de même ouvert la porte.
Tu es rentré, trempé jusqu'aux os. Bafouillant dans tes paroles, tu étais complètement perturbé. Que se passait-il dans ton esprit ?
Peu de temps après, tu m'expliquas toute l'histoire. Ma soeur et toi, vous vous étiez fortement disputés, pour une raison qui me restera certainement toujours inconnue.
Je t'ai écouté, je t'ai réconforté comme j'ai pu, aidé du mieux que j'ai pu. Puis, tout a dérapé subitement. Pris de détresse, j'imagine, tu t'es jeté sur mes lèvres, les scellant avec les tiennes. Si seulement tu savais combien de temps j'avais attendu ce moment sans jamais vraiment y croire. Combien de temps je l'ai idéalisé dans mes pensées. Et là, ça se réalisait. Je n'en revenais pas moi-même. Tellement que je ne répondis même pas à ton baiser. Tellement que je faillis m'évanouir mentalement.
J'aurais dû te repousser, stopper tout ceci. Et pourtant j'ai fais tout le contraire. Je me suis jeté à ton cou. Ma bouche ne faisant qu'effleurer chaque parcelle de ton corps. Tes légers gémissements étouffés me remplissaient d'une joie que je n'avais jusqu'alors jamais ressenti. Nos batifolements ne se sont pas arrêtés ici. J'ai apprécié chaque moment, chaque minute, chaque seconde de notre soudaine proximité. Sans jamais penser aux conséquences. Sans jamais penser au fait que je brisais certainement ma soeur en cet instant. Je continuais chacun de mes gestes. Je t'effleurais, tu frémissais. Tu m'effleurais, je frémissais. Sans interruption. Lorsque nous n'avons faits plus qu'un, je me suis vite souvenu de la réalité. Si tu étais comme ça avec moi, ce n'était pas par amour, mais par détresse. Tu avais besoin d'aide, et c'est ce que je te donnais sur un plateau d'argent. Quand bien même tu m'utilisais, je m'en fichais. Je t'avais enfin pour moi. Moi seul. Mais tu ne m'aimais pas, tu comblais tes désirs, et les miens au passage sans que tu ne le saches. Je ne t'en voulais pas, et je ne t'en veux toujours pas. J'en serai strictement incapable d'ailleurs. Tu dois me prendre pour un fou, et c'est certainement ce que je suis après tout.
Lorsque nous nous sommes unis, c'était sans aucun doute le meilleur moment de ma vie, et le dernier j'imagine, encore. Je t'ai soufflé dans un murmure ce que je me suis toujours défendu de te dire. Ces trois mots. Mais par chance, tu étais trop épuisé et gémissant pour les avoir perçu.
Sache que je ne regrette en rien tout ce qui s'est passé. Je peux dire sans mentir que tu penses tout le contraire. Mais nous avons trahis chacun une proche. Je ne cherche pas à te faire culpabiliser, et à quoi ça me servirait franchement ? Dans les quelques heures qui suiveront l'écriture de cette lettre, tu scelleras définitivement ta vie avec celle de ma soeur. Vous vous marierez, et je serai présent, là, dans la salle. À vous regarder vous embrasser. Nous montrer votre amour. Je suis sincèrement content pour vous deux, même si ca me détruit de l'avouer.

Pourtant, là tout de suite, j'ai mal, j'ai honte.

Honte de te porter garant de mes souffrances alors que tu ne m'as jamais voulu de mal.
Honte d'avoir trahi intérieurement ma soeur.
Honte de n'avoir jamais été franc avec toi.
Honte de te forcer a lire cette lettre inutile.
Honte d'exister parfois.
Honte de t'aimer jusqu'à se détruire.

Et bien oui, comme tu as dû le comprendre. J'ai toujours voulu te prononcer clairement ces mots, un peu comme si je voulais te les offrir. Un cadeau empoisonné.

Jeon Jungkook, je t'aime.
Je t'aime comme je n'ai jamais aimé personne dans ma vie.

Sur ce, je te souhaite une belle et longue vie. Et ne t'inquiète pas, je suis certainement dans ma chambre à pleurer et sourire. Mais rien n'est de ta faute. Sache-le. Tu as le droit d'être heureux. Et tu sais très bien que si le besoin se fait ressentir, je serai toujours là pour t'ouvrir mes bras. Maudits, certes. Bien, il est tant que je termine cette lettre.

Mais s'il te plait, laisse-moi juste le redire encore une fois.

Je t'aime comme un fou. >>

Des larmes coulèrent sur la feuille de papier, faisant légèrement baver l'encre sur celle-ci. Je ne tenais plus sur mes jambes. Par chance, j'étais juste à côté de mon lit. Putain... Pourquoi j'ai lu cette lettre juste après avoir couché avec elle...
Comme je m'en veux.
Mais Taehyung, même si tu n'es pas là, à coté de moi. Que tu es en train de verser toutes les larmes de ton corps dans ta chambre. Sache-le toi aussi.

Le jour où je suis venu, je ne m'étais pas disputé avec elle. Je n'en pouvais juste plus. Je ne supportais plus le fait de ne plus te voir. Je voulais te toucher une fois dans ma vie, avant de ne plus jamais le pouvoir. Oui, c'est ça. Je le sais tout ça, tout ce que tu m'as dit. Puisque sache-le, tout comme toi. Moi aussi, je n'en peux plus.

Je t'aime, Kim Taehyung.
Je n'aime que toi.
Mais je ne peux plus l'abandonner.
Alors nous sommes tous les deux condamnés à souffrir d'un amour réciproque mais impossible.

Je dois te dire adieu mentalement, même si je sais que c'est impossible. Je suis trop attaché à toi pour ça, et nous serons amenés à nous revoir tous les deux. Mais il le faut pourtant. Il faut que je me lance.

Adieu, Tae.

Promets-moi de ne plus m'aimer [tae.kook]Where stories live. Discover now