Chapitre 23 - 3/3

Start from the beginning
                                    

Il s'agissait d'une réaction instinctive de survie. Plus le choc déclencheur était grand, plus le Flux était maximal d'entrée de jeu. Ces imbéciles d'Efraïm ne l'ignoraient pas. Qu'ils ne soient pas à leur coup d'essai impliquait qu'ils brimaient sciemment des Magnus-dormants et forçaient leur transition. Le but était sans doute de les éliminer une fois leurs pouvoirs éveillés, puisqu'ils représentaient alors une menace internationale.

Le nouveau jeu de ces ados elviques trop vieux à l'échelle humaine était de se faire un trip de chasse au Magnus pour tromper la morosité de leur quotidien. Non autorisés à se lancer à la traque car encore mineurs, la fratrie Efraïm « créaient » ses propres proies. Leur prochaine cible : Neil Archer Murphy, son valem. Cette conclusion alimentait la rage d'Aedan. Personne ne toucherait à Neil.

— Tu es à moi ! gronda-t-il, comme pour le revendiquer à ce monde obscur.

Malgré sa terreur viscérale, ou peut-être à cause d'elle, le sang de Neil ne fit qu'un tour. Il intégrait peu à peu que sa frayeur était intimement liée à cette « chose » dont il ne soupçonnait pas l'existence, tapie dans ses entrailles. Chacune de ses fulgurances de colère avait été alimentée par sa peur.

— Ne me chosifie pas !

Le plus fascinant fut de transmettre toute son ire dans son murmure. Le repos de sa mère ne devait, en aucun cas, être perturbé. Neil serra les poings, se décolla de la porte et marcha droit sur Aedan. Son indignation lui occulta le sol jonché de tessons brûlants. Ceux-ci n'épargnèrent pas son pied.

Il siffla de douleur. Cela lui apprendrait à ne pas porter de chaussons ! Il n'y était pas allé de main morte, ou plutôt de « pied mort ». Note à la Meute des Nœuds : marteler le sol de ses pas sous l'emprise de la colère, quand y traînaient des bris de verre, n'était pas une bonne idée. Sa meute neuronale renvoya la faute à Jason. Ce dernier détenait les clés de son outrage. Il se souvint alors qu'il était ulcéré, indigné, révolté que l'Ombre persiste dans son discours le réduisant au rang de propriété. Il croyait avoir été limpide à ce sujet.

— Je ne suis pas ta propriété, Aedan !

Mais la douleur lancinante à son pied émoussa sa véhémence. Se blesser avec du verre était une chose ; quand ce verre venait d'une ampoule chaude, c'était autre chose. C'était douloureux, putain ! Il en avait marre de collectionner les coupures. La plante du pied était l'un des pires endroits où se blesser. Le sol poisseux lui annonça que ça pissait le sang. Fais chier !

Déstabilisé par le bouquet d'émotions qui lui parvenait à travers le tatouage runique, Aedan tenta de s'expliquer :

— Tu ne l'es pas... Je ne l'ai pas dit dans ce sens.

Au plus fort de L'leid, le wifi entre les shi'valem était de très haut débit. Alors pourquoi Neil mésinterprétait-il ses propos ? Ne percevait-il pas la véritable nature de ses sentiments à travers leur lien ? Parce que tu as des « sentiments » pour lui, maintenant ? Pas dans ce sens, merde à la fin ! Mais là n'était point le sujet, le gamin souffrait.

— Laisse-moi regarder.

Neil le repoussa, hérissé.

— Qui a eu la brillante idée de faire péter les ampoules ?

De son humble avis, le côté lunatique de l'Ombre survolait des cimes encore jamais atteintes. L'instant d'avant il avait un démon en face de lui, un battement de cil plus tard, le voilà préoccupé par sa condition de gourde un peu cabossée ayant une fuite d'hémoglobine.

— Je suis nyctalope, Neil.

— Ça me fait une belle jambe !

Vu l'état de sa fameuse jambe, c'était un pieu mensonge. En revanche, la bonne nouvelle fut que lui aussi, par un fait étrange de sa rétine, voyait à présent dans le noir. Une autre bizarrerie à ajouter au tableau, une ! Pour autant, cela ne lui permit pas de voir Aedan venir. Avec une vélocité inhumaine, toute « ombresque », le Venator le saisit par la taille et l'arracha du sol. Neil glapit, puis referma vite la bouche. Une autre habitante se trouvait dans l'appartement.

RÉFLEXIONWhere stories live. Discover now