On y est arrivé.

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Tout crame... De longues mèches de feu ebrèchent le parpaing à coup de poings répétés, en chaque lieu...
Une salle croule, le tableau s'écroule : le vert profond taillé en fond par les coup de craies tombe et disparaît brisé, disloqué par la chaleur qui cloque les rideaux et les embrase, embrasse la colonnade et les portes s'ouvrent sur les hommes, mascarade argentée en somme dans la rougeur grisée de ces lieux, ils attaquent à coup de sirènes et de pompes la chaleur, le feu...
Mais les étages brûlent, les plafonds s'écrasent et écrasent les salles, les camions rouges se bloquent dans leur démence, mais ici, à l'intérieur, nous n'avons ni patience ni résilience...

Les sourcils sont froncés sur nos yeux plissés, les fronts luisants et sous les mouchoirs désormais noirs nos dents sont serrées à en crisser sous la tension d'être asphyxiés...
Mais les échelles choquent le mur léché par les cendres, le mégaphone nous somme d'y descendre... L'adolescent est ainsi fait qu'il est humain en ces instants, nous laissons passer les femmes et les enfants... La porte craque, anti-incendie made in china, la chaleur implacable nous donne une claque... A mon tour de descendre en bas !

J'empoigne l'échelle à bras le corps, elle brûle mes mains mais je refuse mon sort, je n'écoute pas l'appel de la mort... Échelon par échelon, nous sommes les derniers, en bas le camion... Les cheveux sont tombés, les peaux sont plissées, nos mains sifflent sur l'acier surchauffé... Nous sommes trois : Hugo, Nicolas, moi. De ma hauteur, je vois les secours arriver, ambulances immaculées... Je me prend à respirer.
Descendre, toujours descendre, pour la vie ne pas attendre... Survie à tout prix, trois adolescents poussés par leur inconscient, la douleur est ignorée mais ils sentent la chair brûlée, chaque échelon les rapproche du brancard blanc où ils atterriront, enfin, épuisés, éprouvés, les mains tremblantes et paralysées...
Je pose le pied à terre et je m'effondre, on m'évacue. Je remuent laborieusement, je ferme nos paupières sans cils, puis les rouvrent... Je bouge mon cou, lentement... Nicolas et Hugo dans des brancards à mes côtés... On tourne la tête, on se regarde, on se sourit... On y est arrivé.

Thibault Desbordes.

LHDVWhere stories live. Discover now