LHDV

Ode mécanique.

Je suis dans l'habitacle de ma voiture qui roule,
Assis sur mon siège et les yeux posés sur la vaste foule
Du flot des arbres flous, rendu troubles par la vitesse
De ma voiture qui tourne, tangue puis lentement se redresse,
Dans sa course incessante contre l'asphalte,
Noir du goudron ou bleu de cobalt,
Piquetés de grains blancs à peine visible,
Dans sa rageuse avancée, en quatre roues indivisibles,
Ma voiture louvoie et tangue, suspensions sous pression,
Accélère encore, encore, et l'air s'engouffre sous mon blouson,
Mes pneus surchauffés sifflent sur le grain du goudron,
Frénétique battement de la basse cadencée des pistons,
Qui interprètent, tout un chacun, à l'unisson de leurs explosions...

Un chant rageur, moteur du changement, sans lâcher,
Traversée d'une avancée sublimée, l'air devient réalité,
L'air devient mur, mur de béton, mur du son,
Que ma voiture en folie traverse comme un éperon.
Fier lancier sur mon cheval de fer en fureur métallique,
Je chevauche, musique classique de mon ode mécanique,
Mes tympans explosent de joie, la trouble houle de la vitesse
Me fait tourner la tête, ma voiture fonce, trajectoire alignée
Parallèle à la route, rampe de lancement illuminée
De la lumière éclatée de bleu de mes phares,
Projecteurs de gloire, pleine lumière dans une nuit noire,
Mes mains tournent le volant sans le voir, yeux fermés,
Les klaxons de la circulation alentour retentissent, dérisoires,
Ce ne sont pas d'eux dont on retiendra la mémoire,
Mais  bien de moi, moi, et mon avancée qui défie l'Histoire !

Mur du son dépassé, encore et encore plus vite,
Brusques embardées dans ma trajectoire qui s'agite.

Levier de vitesse, pied jeté, pressé au plancher,
Moteur du rugissement, maîtrisé à main levée,
Transmission de ma puissance intimement parallèle,
Ma force motrice, sous perfusion de nitroglycérine,
Je ne suis plus homme, désormais dénuée d'hémoglobine,
Maintenant ou jamais, crachat du vide, donne moi des ailes !

Thibault Desbordes.