Chapitre 1 - Georges

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Il était une fois Georges.

Il était une fois Lucie.

Georges et Lucie s'aimaient. Georges est mort.

C'est du haut de la Tour Eiffel que Lucie fit tomber ses lunettes de soleil. Le temps était pourtant morose, la pluie battante ne cessait de fouetter énergiquement le frêle visage de la jeune femme. Un vent polaire redressait sa peau pâle et ses cheveux noirs.
Elle n'avait jamais été aussi malheureuse de sa vie. Jamais elle n'avait ressenti autant de peine et de désespoir en même temps. Jamais elle ne pourrait retrouver la paix et l'amour.

- Vos lunettes ! s'exclama un jeune homme aux grands yeux verts.

- Merci, répondit-elle simplement.

- Vous devriez rentrer, vous allez finir par tomber malade. J'ai vu que ça faisait des heures que vous vous éternisiez ici, sans parapluie...

Elle lui jeta un regard hautain, presque réprobateur. Sans lui laisser le temps de répondre, le jeune homme lui tendit son parapluie.

- Tenez, dit-il souriant, prenez-le.

- Non merci, je suis bien ainsi.

- Vraiment ? Que se passe-t-il dans votre vie pour que vous passiez des heures sous la pluie et le vent sans bouger ?

- Et vous? répliqua-t-elle les yeux remplis de malice, que se passe-t-il dans votre vie pour observer pendant des heures des jeunes femmes en détresse ?

Il eut un rictus contrôlé sans laisser paraître l'émotion qui naissait en lui.

- Donc... vous admettez que vous êtes en détresse !

- Laissez-moi en paix s'il vous plaît. Je ne vous ai rien demandé.

- Comme vous voudrez, répondit-il en reculant d'un pas. Mais au cas où vous voudriez savoir comment Georges est mort, sachez que je serai sur le Thalys ce soir à dix-sept heures en direction de Liège.

Il s'en alla tandis que les jambes fines et trop fragiles de Lucie faillirent céder. Elle se tint au rempart pour éviter de tomber à la renverse.

Ses yeux s'inondèrent de larmes et de terreur. Georges ! Il n'y avait plus que le visage de Georges qu'elle voyait !

****


Il était seize heures et quarante-cinq minutes lorsque Lucie arriva à la gare de Paris-Nord. Un sac à main comme seul bagage, elle courrait sur les quais pour trouver le train de sa destinée.

Le souffle haletant, elle pénétra dans le wagon voyageur de seconde classe.

Elle passait dans chaque wagon avec angoisse. Ses yeux noirs sillonnaient chaque siège et recoins à la recherche de cet homme mystérieux.

Soudain, elle le vit, blottit confortablement sur un siège en première classe. Il lisait le journal. Quand il la vit s'approcher de lui lentement, il posa son journal et la pria de s'asseoir.

- J'étais certain que vous alliez venir, dit-il avec assurance.

- Je ne suis là que pour Georges et rien d'autre. J'espère que c'est clair.

Il sourit. Ses grands yeux verts se posèrent sur ce visage féminin tiraillé par la souffrance mais resplendissant de beauté et de charme. Son cœur se mit à battre plus fort, ses mains se crispèrent. Ce n'est pas tous les jours qu'il avait l'occasion de s'asseoir à côté d'une si belle femme.

- Dites-moi ce que vous avez à me dire, continua-t-elle agressive, et finissons-en ! Je n'ai pas l'intention de retourner à Liège.

- Et pourtant, c'est bien là que je vous emmène.

NévroseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant