Chapitre 18

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ZOÉ

Mes orteils sont gelés, mon nez est tout rouge et mes joues aussi. Le froid m'envahit toute entière, mais je m'en fiche. Je continue de marcher dans les rues, n'ayant aucune destination fixée dans ma tête. Les autres me chercheront sûrement, mais peu importe. Je ne sais pas où aller, j'ai peur et j'ai froid. J'en ai plus que marre. Je sers les poings et mes phalanges blanchissent rapidement. Amélie et Alix ne pourront pas comprendre, et encore moins m'aider. Aujourd'hui, je déteste tout. Absolument tout. Pourquoi elle ? Il a fallut d'une seconde d'inattention sur la route, et la voilà dans le coma. Cela fait trois jours. J'ai peur de ce qui va lui arriver. Et je ne comprends toujours pas pourquoi il a fait ça. Il n'est jamais agressif pourtant. Il ne boit jamais autant, jusqu'à en devenir malade, et à frapper ses enfants. Je ne sais pas vers qui me tourner, je me sens impuissante pour les protéger. Je pourrais peut-être en parler aux filles, mais je doute qu'elles nous accueillent chez elles ou nous trouvent un refuge. Mais une chose et sûre, il faut à tout prix que je les éloigne de lui. Peut-être devrais-je aller voir la police, mais ils ne me croiraient sûrement pas. Je ne sais pas, je ne sais plus. Et, je ne sais comment, mais me voilà devant l'hôpital de la ville. Les portes automatiques sont seulement à quelques mètres de moi, je peux y arriver. Ça va être la première fois que je la vois depuis son accident. Je rassemble mon courage et entre. Une odeur acide de désinfectant pénètre dans mes narines. J'ai toujours détesté les hôpitaux. Depuis la mort de grand-mère ici, je n'y suis plus entrée. Cela me rappelle tant de souvenirs... Les murs blancs sinistres, les gens déambulant dans ces couloirs... Je ne m'y ferai probablement jamais. Je m'avance lentement vers le bureau central, où une grande pancarte indique "ACCUEIL". Une femme d'une trentaine d'année, les cheveux châtain tirés en arrière dans un chignon stricte, les yeux bleus et la mine fatiguée se tient derrière celui-ci. Je me positionne devant elle, et elle lève directement les yeux vers moi.



«Je peux vous aider ?»



«Hum, oui, euh... Je souhaiterais rendre visite à madame Turner, s'il vous plaît.»



«Bien sûr, donnez-moi une seconde.»



Elle ouvre un grand tiroir rempli de documents classés de A à Z. Elle commence à fouiller dans la partie des "T" tout en marmonnant.



«Ah, ici !» s'exclame-t-elle en s'emparant d'une pochette. Elle l'ouvre et le parcourt rapidement des yeux. «Madame Rosita Turner. Accident de la route, déportée le 6 janvier aux soins intensifs...»



Elle marmonne encore quelques informations que je ne comprends pas tout en faisant valser ses ongles vernis sur le bois de la table, ce qui a le don de m'agacer. Elle repose les papiers et plante son regard dans le mien.



«Vous êtes de la famille ?»



«Je suis sa fille, Zoé Turner.»



«Ah, d'accord. Chambre 532, cinquième étage. Il faut éviter de crier dans la chambre et limiter les contacts physiques.»



«Ok ça va.» dis-je tout en hochant la tête. «Merci.»



Elle me décoche un sourire et je tourne les talons vers les ascenseurs. Arrivée dans l'un d'eux, je pousse sur le "5" afin de me rendre à l'étage indiqué. Lorsque les portes s'ouvrent, je découvre un cadre beaucoup moins sympathique. Les murs sont toujours blancs et les couloirs sont vides. Je m'avance à la recherche de la chambre 532, et la trouve. Je déglutis tout en tournant la poignée et entre. La porte se ferme dans un grincement désagréable et je me fige en voyant ma mère allongée dans ce lit, dans une blouse d'hôpital couleur vert pastel, un masque respiratoire recouvrant une partie de son visage, des hématomes recouvrant ses bras, ses mains et certaines parcelles de sa mâchoire et son front. Ses cheveux habituellement brillants et volumineux sont désormais ternes et raides. Son teint est pâle, des cernes reposent sous ses yeux clos et ses lèvres sont gercées. C'est à peine si je la reconnais. Dans la pièce, seul le bruit du moniteur cardiaque résonne, ce qui donne à l'endroit un aspect glauque. Je réussis difficilement à mettre un pied devant l'autre pour finalement arriver à 30 centimètres d'elle. Je m'agenouille et lui prend la main, que je caresse délicatement de mon pouce.



«Maman...? Maman, c'est moi. Zoé. Je suis désolée de ne pas être venue avant, mais je n'en ai pas eu le courage. Je crois que je suis la première de la famille à venir...» Je marque une pause. «Quelque chose de terrible s'est produit... Vendredi, quand tu es entrée ici, papa nous l'a annoncé, à David, Olivia et moi. Il était triste, je le voyais bien. Il n'a pas prononcé un mot. Mais, hier soir, il a beaucoup bu. Il est rentré tard, et a été violent. Tu te rends compte ? Papa violent avec ses enfants ? Lui qui, en temps normal, ne ferait pas de mal à une mouche... Je vais t'épargner les détails, mais Olivia a un gros cocard, et David a la mâchoire toute mauve. Et moi... Et bien, moi, j'ai essayé de les défendre. Ce qui est normal, en tant qu'aînée. J'ai une blessure au crâne, pas mal d'hématomes sur les bras et un énorme bleu au genoux, qui me fait mal quand je marche. C'est horrible, je ne sais plus quoi faire... Voilà trois jours que tu n'es plus là et regarde ce que nous devenons... On peut pas s'en sortir sans toi !» Sur ces mots, j'éclate en sanglot et tombe mollement sur son ventre. «Je n'y arrive plus maman... Snif... C'est trop dur ! Reviens, par pitié ! Bats-toi contre la mort et reviens-nous ! Je t'aime, je veux pas que tu partes si vite. Snif....»



La sonnerie de mon téléphone me fait sursauter, et je m'empare de celui-ci. Le prénom de Alix s'affiche à l'écran et je décroche.



«Allô ..?» dis-je d'une voix tremblante.



«Zoé ? Zoé où tu es ? Qu'est ce qu'il se passe ?»



«Alix, je... J'ai besoin de ton aide. J'ai besoin de votre aide.»



***

Mon BadBoyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant