Chapitre 13 - Partie 1

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Donna – Étudiante en manque de vie sociale

Je pouvais remercier mon meuble d'évier de m'avoir donné l'occasion de renouer avec Michaël. Depuis, on se parlait régulièrement via Facebook et cela me donna envie d'organiser une soirée où je pourrai enfin le présenter à Amélie et Sadia, actuellement assises sur leur pouf attitré. Lorsque je leur soumis l'idée, elles approuvèrent.

— Je pourrais aussi inviter Dylan et tout mon groupe de travail, songeai-je.

Mes amies se regardèrent, dubitatives.

— Donna, commença Sadia. Tu comptes inviter plus de dix personnes ici ?

Un silence tomba. Je pinçai mes lèvres en embrassant mon studio du regard.

Oups.

— J'avais pas pris en compte ce léger détail, avouai-je.

Je déverrouillai mon smartphone et envoyai un message à Michaël pour savoir s'il serait partant pour accueillir la soirée vendredi. Il était loin d'être sauvage, j'avais bon espoir qu'il accepte. Sa réponse ne tarda pas à arriver : 

« Pourquoi pas. Y'aura qui ? » 

Je lui fis donc la liste des invités en expliquant qui était qui pour moi.

« Je vais voir avec Clara. Nathan vient pas ? »

Je bloquai sur sa question.

Hein ?

« Nathan ? Pourquoi ? » écrivis-je.

Mais pourquoi il me parlait de Nathan ? Bien sûr que non il ne venait pas ! J'arrivais à peine à articuler un mot quand il était là, j'allais pas me pourrir la soirée !

« Ça lui ferait peut-être du bien de voir du monde. Et puis il est sympa. »

Sympa ? Ils avaient parlé de quoi pour qu'il pense ça de lui ?

« Je lui demanderai. » mentis-je, parce que je n'avais pas du tout l'intention de lui poser la question. Puis quoi encore !

« OK. Je te tiens au courant dès que j'ai vu avec Clara. »

Amélie et Sadia me firent remarquer mon air mécontent ; je leur expliquais qu'il était dû à la copine de Michaël de qui dépendait toute l'affaire – autant qu'elle serve à autre chose qu'à lui taper des crises.

Moins de cinq minutes plus tard, je reçus un nouveau texto :

« C'est bon ! Je vous attends pour 19h. »

Ce mec était extra ! Mais même pour lui, je n'étais pas prête à faire rentrer Nathan dans ma vie. Je ne parvenais pas à le définir, mais j'étais sûre qu'il n'était pas très équilibré mentalement au point de se prendre pour un exorciste. Malgré tout ce qui s'était passé, je restais persuadée qu'il lui manquait une case.

Je n'aurais jamais imaginé pouvoir me tromper, surtout pas à ce point.


Alors que je rentrais chez moi le jeudi après-midi suivant, je vis Nathan attendre au pied de mon immeuble. Lorsque je le rejoignis, il me tendit un casque.

— Monte. Il est temps que tu vois ce dont on va parler.

Je fis la moue en attrapant le casque et en le mettant. Une fois sur la moto, je nouai mes bras autour de son torse. Il sursauta légèrement. Je me souvins alors de sa blessure. Il était peut-être dérangé mais je ne voulais pas lui faire mal. Je remontai donc mes mains. Ma prise assurée, il lança son deux-roues dans les rues pavées de ce coin de Toulouse, direction le nord-est.

Nous nous engageâmes un moment après sur la rue de la Concorde. Les bâtiments de briques rouges passés, nous nous arrêtâmes au niveau du croisement avec la rue Robert Boriose. J'enlevai mon casque quand Nathan coupa le moteur.

— Je ne peux toujours pas savoir ce qu'on fait là ? tentai-je.

— Tu vas voir. Viens.

Je le suivis jusqu'à la porte d'entrée d'une maison de ville où il frappa. La vitesse à laquelle on nous ouvrit me fit penser que la personne avait dû guetter notre arrivée. Quand le battant glissa sur ses gonds, je découvris une femme au bord de l'épuisement.

— Vous êtes l'exorciste ? demanda-t-elle, pleine d'espoir.

— En effet, répondit mon acolyte. Je suis Nathan et voici Donna, elle m'assistera aujourd'hui.

— Entrez.

Je suivis mon « exorciste » dans la demeure et l'écoutai demander le prénom de la « possédée ». Elle s'appelait Camille Fontaine et elle avait quatorze ans. Elle était toute jeune, la pauvre puce. À défaut de possession, elle devait simplement être malade et avait à mon avis plus besoin d'un médecin que d'un charlatan, aussi convaincu par son pouvoir soit-il.

Nous longeâmes un couloir du rez-de-chaussée puis nous nous arrêtâmes devant une porte close.

— Votre époux n'est pas là ? s'enquit Nathan.

— Non. On a pris des congés à tour de rôle pour nous occuper de Camille. Frédéric est retourné au travail.

— Je comprends. Je vous demanderais d'attendre dans le salon et de ne surtout pas venir, quoi que vous entendiez. Compris ?

— Vous me faites peur, avoua Christine.

À moi aussi, d'autant que je serai avec lui dans la pièce. S'il faisait du mal à la petite, danger de mort ou pas, je lui sauterai à la gorge !

— C'est votre enfant, c'est normal d'avoir peur, mais je vous assure que tout ira bien. Si aucun exorcisme ne se déroule jamais de la même manière, il reste impressionnant dans tous les cas, vous n'avez pas besoin de voir ça. Votre fille ira bien, je vous le promets.

— D'accord. Alors... Je vous laisse.

Je lui souris affectueusement lorsqu'elle me regarda, puis elle nous laissa seuls. Nathan sortit un chapelet de l'une des poches de son manteau et le passa autour de mon cou. Je l'entendis réciter une prière pour le bénir avant d'embrasser le crucifix.

Surtout, ne pas se moquer. Il y mettait tellement de cœur que ce serait méchant de ma part. Pourtant une remarque démangea mes lèvres.

— Je ne crois pas en Dieu, crus-je bon de préciser.

— Dieu est au-dessus de ça. Il t'aime et te protège même si tu ne crois pas en Lui.

Ah, si c'était ça, alors...

— Une dernière chose, reprit-il. Quoi qu'il arrive, ne fais aucun bruit tant que ce n'est pas fini. Pas un mot, pas un cri.

Il me prenait pour qui ? Une chochotte ?

Bon, OK, je n'avais pas été très courageuse quand il m'avait menacée ou quand Dylan m'avait envoyé l'enregistrement, mais c'était des choses que je ne pouvais pas expliquer, pour l'instant. Dans le cas présent, j'étais certaine que la petite Camille souffrait simplement d'hallucinations et de troubles du comportement. Rien qu'un médecin compétant ne puisse soigner.

J'oubliai mes pensées lorsque Nathan ouvrit la porte. Je portai ma main à mon nez pour le protéger de l'odeur de transpiration et de sang qui me sauta au visage.

Mais dans quelles conditions vivait cette enfant ?

Je perdis toutes mes couleurs une fois à l'intérieur. Ils l'avaient attachée au lit ! Ils étaient malades, sérieux ! On n'était plus au Moyen Âge ! Il comptait lui faire quoi ? La trépaner ?

Pas moyen, je contacterai les services sociaux dès que j'aurai posé un pied dehors !

Nathan me poussa contre le mur et m'intima d'un regard de ne plus bouger. Je jouerai le jeu tant que je serai enfermée ici. 

CDSE 1 - La Marque des CinqOù les histoires vivent. Découvrez maintenant