Chapitre 10

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Nathan – Saint exorciste
Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem

La voiture me déposa devant la boutique de Virginie, la sorcière à qui j'avais confisqué ses fioles de digitaline une semaine auparavant. J'avais mis des lunettes de soleil pour cacher l'état de mes yeux tandis que mon écharpe remontée jusqu'à mon nez dissimulait mes lèvres meurtries.

Si la boutique était pleine lors de ma dernière visite, ce n'était pas le cas aujourd'hui. Je tombai directement sur la patronne. Elle me fusilla du regard.

— Qu'est-ce que j'ai fait, cette fois ? demanda-t-elle sèchement.

— Rien. On peut parler en bas ?

Elle me toisa, méfiante et indécise.

— Pourquoi ? Vous voulez fouiller toute ma réserve ?

— Soit tu acceptes, soit tu refuses, mais ne me fais pas perdre mon temps, répliquai-je, la mâchoire crispée par l'énervement.

Elle hésita encore un instant avant d'accepter. Je la suivis dans son antre où une potion était en préparation.

— Qu'est-ce que c'est ? demandai-je en examinant le liquide vert fort peu engageant.

— Une potion pour faciliter la digestion, répondit-elle dans mon dos. L'une de mes clientes est souffrante. Alors, que puis-je faire pour vous ?

J'enlevai lunettes et écharpe puis me tournai vers elle. Elle porta une main à sa bouche dans une vaine tentative pour retenir son exclamation choquée.

— J'ai besoin de soins.

— Je vois ça, oui. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Pendant que je lui résumais succinctement la situation, elle s'approcha et m'examina. Une fois mon explication terminée, elle accrocha son regard au mien.

— Ça dépasse un peu mes compétences, me dit-elle. Je pense pouvoir vous concocter une potion pour ressouder vos côtes et peut-être soigner le visage. Mais sans connaître l'étendue des dégâts internes, je ne peux rien faire. Il faudrait des bilans sanguins, des échographies et une IRM, au moins.

— Mes organes et mon cerveau peuvent être touchés ?

— Sans que cela soit grave, je pense en effet qu'il doit y avoir des séquelles dues à l'exorcisme. Je...

Elle fouilla dans sa grande armoire en merisier et me donna un flacon.

— Buvez ça maintenant, intima-t-elle. Ça soignera vos yeux et votre bouche.

Je débouchai la fiole et reniflai l'odeur pour m'assurer que ce n'était aucune des potions mortelles que l'Ordre m'avait appris à identifier. Rassuré, je bus cul-sec. Quand le liquide pâteux coula dans ma gorge et libéra ses arômes acides, je grimaçai.

— Revenez dimanche matin, me dit Virginie en me prenant le flacon des mains. Je vous donnerai une potion pour renforcer vos organes et accélérer la guérison de vos os. Maintenant, partez, j'ai du travail.

— Comme tu veux.

J'attrapai sa main et y logeai une fiole de digitaline sous son regard surpris.

— Ça ne fait pas un mois, remarqua-t-elle.

Je ne répondis rien et m'en allai, lui laissant le loisir d'interpréter mon geste comme elle le voudrait. J'avais beau avoir appris à être dur dans mon métier, ça ne reflétait pourtant pas ma nature véritable plus proche de l'enseignement charitable et altruiste qui m'avait été dispensé durant toute ma vie.

CDSE 1 - La Marque des CinqOù les histoires vivent. Découvrez maintenant