Les barrages des affluents du Missouri qui irriguaient Constance City portaient l'estampe Efraïm Modern Construction Corporation©. Ils n'avaient pas encore abordé le domaine des énergies. Neil sentit poindre le tournis. Ce patronyme lui évoquait un virus ayant envahi tout un système. Et par sa chance légendaire, il n'était pas en odeur de sainteté avec les rejetons de cette famille virale. Tu te surpasses, Neil Murphy !

— Il n'y a que moi qui trouve ça hyper-flippant ?

— On s'y habitue, sourit Matt.

Neil jugea le raisonnement un peu naïf. Il doutait d'y parvenir.

— Ils construisent une université à l'autre bout de la ville, révéla Vanessa. C-City a reçu l'autorisation de l'État d'avoir la sienne. Le chantier a commencé l'année dernière. L'année prochaine, plus besoin d'aller à Bellevue ou Omaha pour la fac. J'espère vraiment que les travaux finiront avant la rentrée.

— Vu la vitesse à laquelle ils font les choses, c'est fort possible, spécula Matt.

— Le bruit court que c'est parce que Thaïs et Phyllis ne veulent pas déménager après leur graduation, comme ce doit être le cas d'Eliam, confia Lyn. Mais bon, c'est qu'une rumeur.

Elle haussa les épaules comme Vanessa lui lançait un regard impatienté. Neil paria qu'elle était lasse d'entendre son amie radoter au sujet des Efraïm.

— Ça promet d'être gigantesque, reprit Lyn. Plusieurs facultés et labos réunis au même endroit : C-City University Village. Si on y va maintenant, on arrivera en retard en cours, déplora-t-elle en consultant sa montre connectée. On remet ça au prochain épisode. Finie, la récré est, jeune Padawan.

— Non, tu termines par le verbe, rectifia Matt, pointilleux. Jeune Padawan, finie, la récré est.

Lyn leva les yeux au ciel.

— Maintenant que tu sais ça, Neil, tu as tout intérêt à mettre de l'eau dans ton vin avec les jumeaux, crut-elle bon de lui rappeler.

— Ce n'est pas comme si j'avais voulu corser ce vin pour commencer !

Que le père des faux jumeaux ou leur famille détienne les rues de cette ville, ou peu importe, n'impliquait pas qu'il faille leur baiser les pieds. Toutefois, Neil se garda de le dire. Inutile d'en débattre avec des gens à l'opinion biaisée.

— Tout ce que je veux, c'est qu'on me fiche la paix, marmonna-t-il, comme ils empruntaient des ruelles censées raccourcir le trajet vers le lycée.

— Ce sont eux qui décident, trancha Lyn.

— Pour toi, peut-être ! opposa-t-il, premier surpris par sa véhémence.

L'attitude de Lyn commençait lui courir sur le haricot. Elle marqua un mouvement de recul et ravala sa réplique. Neil voyait qu'elle se retenait de lui cracher quelque chose au visage. Il jugea vain de s'énerver.

— Si ça vous porte préjudice d'être vus à mes côtés, je vous signale que je ne vous oblige à rien. Et inutile de culpabiliser, je comprends parfaitement. Ce ne sera pas la première fois. J'ai connu pire que ces taquineries de fils de bourges. Ils devront se lever tôt pour espérer faire de ma vie un enfer. Je n'attends rien de toi, Lyn.

Lyn le prit comme une gifle. Vanessa contint mal son sourire satisfait.

— Elle, c'est une dure à cuire. J'aime cet esprit.

— C'est sur la durée que ça se joue, murmura Lyn pour elle-même.

L'ayant entendue, Neil ne releva pas. Il se composa une expression neutre en devinant les pensées de Matt et Vanessa qui l'étudiaient d'un air interrogateur. Son « j'ai connu pire » avait soulevé un malaise. À présent, les trois amis essayaient de lire en lui.

RÉFLEXIONDonde viven las historias. Descúbrelo ahora